Vous avez grandi dans les Côtes d’Armor. Y avez-vous côtoyé des Sauveteurs en Mer ? Quels rapports entretenez-vous avec l’association ?
Hervé Berville : Je suis né au Rwanda, mais j’ai eu la chance de grandir dans les Côtes d’Armor, avec la mer pour horizon, et j’ai donc côtoyé la SNSM. À terre, lors de sa présence à des manifestations locales pour mieux faire connaître l’association, ou quand je lisais les récits des interventions en mer. Comme beaucoup de Bretons et de Français, j’ai beaucoup d’admiration pour cette association, pour tous ceux qui en font partie et qui la font vivre. J’ai la chance d’avoir cinq stations SNSM dans ma circonscription [NDLR : Hervé Berville est député de la deuxième circonscription des Côtes d’Armor, depuis juin 2017], ce qui est assez rare, et je vois chaque jour le travail de l’association. J’entretiens avec elle – je le crois et je l’espère – un lien de confiance, mais aussi d’amitié à travers les personnes qui y sont engagées et que je connais.
Quel regard portez-vous sur le modèle bénévole de la SNSM ?
H.B. : Le modèle bénévole de la SNSM, j’en suis convaincu, fait la fierté de nos territoires et de notre pays. Il est emblématique de l’idée d’engagement que le président de la République souhaite encourager et valoriser dans toute la société avec, par exemple, le Service national universel [NDLR : qui permet aux 15–17 ans le souhaitant de participer à un séjour de cohésion, une mission d’intérêt général et un engagement volontaire]. Je mesure, à chacun de mes déplacements sur le littoral dans les différentes stations, l’engagement des bénévoles, mais aussi leur capacité à répondre aux spécificités de nos côtes. Tous ces bénévoles prennent du temps personnel, familial, pour secourir les autres au péril de leur vie. N’oublions pas que ce système repose sur une solidarité exemplaire entre gens de mer, qui nous inspire.
La fréquentation du littoral français a beaucoup augmenté. Dans cet espace limité cohabitent anciens usages – pêche, transport maritime, plaisance… – et nouveaux usages – éolien en mer, aquaculture… Comment les concilier ?
H.B. : On assiste effectivement à une augmentation et une densification des activités en mer, cette mer qui est un bien commun de l’humanité. L’une de mes priorités est la planification maritime, pour une meilleure cohabitation de tous ces usages, ce qui implique, bien sûr, de renforcer les secours et la surveillance, la lutte contre les comportements dangereux, et donc d’accentuer l’action et la coordination de l’État en mer. Concrètement, la planification, c’est un travail fin à mener sur toutes nos côtes, avec les élus locaux, avec les professionnels de la mer, les ONG, les syndicats, et qui va nous permettre, comme nous le faisons à terre, d’avoir dans le temps une stratégie et une feuille de route concrètes pour gérer l’espace maritime et atteindre nos objectifs climatiques, énergétiques et économiques.
Vous avez pour ambition d’accélérer la décarbonation du secteur maritime. Quels sont les principaux axes d’amélioration et comment la SNSM peut-elle y participer ?
H.B. : La décarbonation du secteur maritime est un impératif pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles, c’est une question d’efficacité énergétique, et puis c’est ce que l’on doit aux générations futures pour atteindre la neutralité carbone que nous nous sommes fixée au sein de l’Union européenne en 2050. Nous avons l’objectif ambitieux d’arriver au navire zéro émission, pour le transport maritime bien sûr, mais aussi pour toutes les catégories de navires, comme la pêche, la plaisance ou les secours en mer.
Je porte la « maritimisation » beaucoup plus forte du plan d’investissement France 2030 pour que le secteur bénéficie de plus de moyens financiers. Dans le même temps, le ministère de la Mer investit, dès cette année, pour la décarbonation des navires de pêche avec un plan de 6 millions d’euros. En lien avec les acteurs de l’économie maritime et les collectivités locales, nous déployons également une stratégie nationale portuaire, qui comprend notamment l’accélération de l’électrification à quai, comme par exemple à Marseille, pour 40 millions d’euros. Vous le voyez dans cette ambition collective, la SNSM a toute sa place et toute sa part, et je tiens à saluer, à ce sujet, les réflexions de l’association pour doter les derniers navires acquis des dispositifs limitant les émissions polluantes.
La SNSM va investir 95 millions d’euros pour renouveler cent vingt bateaux de sa flotte d’ici 2027. L’État accompagnera-t-il notre association dans ce développement ?
H.B. : Depuis 2018, l’État a considérablement renforcé son accompagnement et son soutien à l’association et nous continuerons à le faire. En quatre ans, les soutiens ont été multipliés par quatre, ce qui est nécessaire et légitime au regard des missions réalisées. J’ai rencontré, dès les premiers jours de ma prise de fonctions, le président de la SNSM, l’amiral Emmanuel de Oliveira, et nous travaillons au déploiement d’une feuille de route, dont nous allons suivre de près l’application, car nous devons assurer la pérennité du modèle de l’association, continuer d’attirer des bénévoles et accélérer la modernisation de la flotte. Par ailleurs, dans le budget de cette année, nous maintenons notre soutien à hauteur de 10 millions d’euros par an et je me permets de terminer sur l’accompagnement, en évoquant la part de la taxe sur les éoliennes en mer, qui va permettre de faire face aux défis de la SNSM.
Nos bénévoles sont de moins en moins issus du monde maritime. En réponse, la SNSM a développé de nombreux parcours de formation, notamment dans la mécanique. Le secteur associatif a-t-il un rôle à jouer dans l’employabilité du secteur maritime ?
H.B. : Le modèle associatif est effectivement en pleine transformation et nous devons faire de cette réalité une opportunité : je crois que ce changement peut constituer une porte d’entrée vers les métiers du monde maritime. Le parcours de formation développé par la SNSM repose d’ailleurs sur des savoirs partagés par d’autres établissements et administrations : les Affaires maritimes, l’Office français de la biodiversité, l’Ifremer, la police nationale, la sécurité civile. Le socle de connaissances qui a été fixé pour partir en mer pour ces bénévoles est finalement assez proche des normes appliquées aux marins professionnels, et cela doit être l’opportunité de créer des passerelles entre les deux.
Le métier de marin se découvre aussi par cette entrée associative : elle doit permettre aux nouveaux bénévoles d’y prendre goût et d’y trouver le sel qui pousse d’ordinaire les gens de mer à l’aventure maritime ! Enfin, je ne peux pas évoquer les bénévoles sans avoir une pensée pour leurs familles, qui vivent aussi chaque jour pleinement cet engagement à leurs côtés, et notamment les proches des trois sauveteurs qui ont perdu la vie aux Sables d’Olonne en juin 2019 et qui ont été reconnus il y a moins d’un mois « Morts pour le service de la République ».
Propos recueillis par la Rédaction, diffusés dans le magazine Sauvetage n°162 (4ème trimestre 2022)