Les opérations menées par la SNSM ne se résument pas au sauvetage des personnes. Les bateaux des sauveteurs sortent aussi très régulièrement au secours de la mer. Certes, le littoral français est loin de cet océan de plastique, qui, tel un septième continent, dans le Pacifique nord, s’étend entre le Japon et les États-Unis et forme un vortex de déchets. Mais, en France, la pollution marine est, hélas, devenue le quotidien des hommes et femmes de la SNSM. Car celle-ci peut d’abord entraîner des avaries. En 2020, ces dernières étaient la première cause des interventions des Sauveteurs en Mer (51,51 %). Outre les avaries motrices (34,22 %), les avaries électriques (3,53 %), de barre (2,42 %), les voies d’eau (3,70 %) et les ruptures de mouillage (3,26 %) figurent les hélices engagées (4,38 %), parfois par des pollutions.
Mais, au chapitre des actions dictées par la pollution, ce sont surtout la prévention et la protection de la mer qui mobilisent les CROSS – dans le cadre de leurs activités de sécurité et de surveillance des activités maritimes– et, bien entendu, les sauveteurs de la SNSM. Les chiffres que recueille le CROSS Jobourg le démontrent. En 2020, le nombre de pollutions en mer, constatées et confirmées par un commandant de bord de la SNSM – agent assermenté par l’État – a encore progressé. « Il a atteint 237 en 2020, contre 110 en 2019 », observe Morgan Bourhis, directeur du CROSS Jobourg. Depuis la pointe du Cotentin, il est en effet chargé de centraliser et d’exploiter l’ensemble des informations relatives à des déversements de polluants en mer afin d’évaluer les risques d’atteintes à l’environnement ou d’identifier les auteurs de rejets délictuels.
La plupart des pollutions observées le long des côtes françaises sont identifiées. Et mieux vaut ne pas confondre une nappe d’hydrocarbures avec un banc de méduses. « Cela arrive, tant l’aspect est similaire », précise un bénévole de la SNSM.
Sans surprise, près de trois pollutions sur quatre sont dues à des hydrocarbures, d’après les données du CROSS Jobourg. Dès lors, la SNSM se forme à la pose de barrages en mer pour limiter la propagation de ces nappes dévastatrices pour la faune, la flore et l’économie du littoral. La mise en pratique de ces procédures de prévention est, hélas, de plus en plus fréquente. Ainsi, le 13 juin 2021, quelques semaines seulement après une formation réalisée en partenariat avec le Cedre (Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux), les sauveteurs de la station de Bonifacio sont intervenus dans la région de Sari-Solenzara. Il s’agissait précisément de mettre en place un barrage pour éviter à la plage de Solaro d’être trop souillée par des galets d’hydrocarbures issus du dégazage illégal de navires au large de l’île de Beauté. Près de quatre tonnes d’hydrocarbures avaient alors été déversées à la mer. En dépit du risque d’encourir une amende de dix millions d’euros, les commandants de trois navires étaient impliqués « dans cet acte de malveillance », que la ministre de la Mer, Annick Girardin, avait alors dénoncé. Selon la préfecture, « les résidus étaient répartis sur environ 500 mètres de long et 50 centimètres de large de manière discontinue ».
Les bateaux de la SNSM peuvent aussi agir sur une zone de pollution au gasoil pour brasser la nappe et la casser, afin qu’elle se disperse et s’évapore. Ce type d’intervention pourrait devenir plus fréquent. En effet, l’augmentation du trafic maritime autour de la France accroît partout le risque de pollution. C’est dire combien les interventions de la SNSM peuvent être déterminées par les enjeux écologiques et économiques marins, qu’il faut toujours protéger.
L’expertise des Sauveteurs en Mer est aussi utilisée dans le cadre de missions de service public au bénéfice de la sécurité et de la préservation de l’environnement marin. À ce titre, notamment auprès d’EDF, l’association apporte un soutien logistique essentiel aux centrales nucléaires situées sur le littoral, pour des opérations telles que des prélèvements d’eau de mer. La station de Diélette, dans la Manche, à proximité de la centrale nucléaire de Flamanville, est régulièrement chargée d’effectuer des prélèvements d’eau de mer pour l’Agence de sûreté nucléaire. L’objectif est d’en mesurer la radioactivité naturelle. Ces missions, essentielles à la préservation de nos côtes, sont pourtant méconnues du grand public.
Article rédigé par Juliette Garnier-Sciard, publié dans le magazine Sauvetage n°157.