Louis-Napoléon attaque un canot de sauvetage

Avant de deve­nir empe­reur des Français sous le nom de Napo­léon III, Louis-Napo­léon Bona­parte a tenté à plusieurs reprises de créer des soulè­ve­ments. À Boulogne-sur-Mer, en fuite, il essaye de s’em­pa­rer du bateau des surveillants de baignade. Un événe­ment raconté par le gardien-chef de la station, où les ancêtres de nos nageurs sauve­teurs défen­dirent leur canot avec âpreté.

Louis Napoléon
Louis-Napoléon Bonaparte arrêté à Boulogne-sur-Mer, lors de sa tentative de soulèvement en août 1840. Illustration tirée du livre, Révolution française – Histoire de huit ans d’Élias Regnault, paru en 1851 © D.R.

Août 1840. Louis-Napo­léon Bona­parte – neveu de Napo­léon Ier et futur Napo­léon III – veut renver­ser le roi Louis-Philippe, alors au pouvoir. Après une entre­prise de soulè­ve­ment avor­tée à Stras­bourg, il prépare, depuis Londres, un débarque­ment à Boulogne-sur-Mer. Il espère rallier à lui la garni­son et deve­nir ainsi maître de la ville.

Il choi­sit pour cela la pleine saison des bains de mer – popu­laires depuis peu – et affrète le trans­manche Edin­burgh Castle1. Offi­ciel­le­ment, il s’agit d’ef­fec­tuer une simple croi­sière. À bord se trouvent pour­tant des voitures, des chevaux, des armes, des uniformes et…100 000 francs en pièces d’or. Dans la nuit du 5 au 6 août, Louis-Napo­léon débarque avec une soixan­taine d’in­sur­gés et s’éver­tue à rejoindre la caserne du 40e  régi­ment d’in­fan­te­rie. Mauvais calcul : les mili­taires refusent tout rallie­ment.

Les insur­gés doivent ainsi battre en retraite vers le château, dont les portes leur restent fermées. En déses­poir de cause, pour échap­per aux balles des gardes natio­naux, ils se dirigent vers la plage pour rembarquer à bord de l’Edin­burgh Castle. Mais celui-ci mouille au large. Louis-Napo­léon et quelques hommes prennent alors d’as­saut un canot ancré à quelques mètres du bord. Un canot de la Société humaine et des naufrages (SHN)2, en charge de la surveillance des bains de mer.

L'Edimburgh Castle et la plage
Gravure d’époque, où est repré­senté l’Edin­burgh Castle (à droite) © D.R.

« Une douzaine d’hommes à la nage tentèrent de s’em­pa­rer du canot » 

« Des coups de feu ont éclaté, une douzaine d’hommes à la nage tentèrent de s’em­pa­rer du canot de sauve­tage, rapporte après les événe­ments le gardien-chef de la station de Boulogne-sur-Mer, M. Plou­vier. Malgré la vive résis­tance des surveillants de baignade, dans la bagarre, les insur­gés font chavi­rer l’em­bar­ca­tion. Plusieurs sont bles­sés, dont le prince Louis-Napo­léon.  » Nouvel échec, le petit groupe doit conti­nuer de fuir.

Plusieurs insur­gés bles­sés sont trans­por­tés à «  la maison de secours ». « Les méde­cins Dunan et Guer­lain ne purent rame­ner à la vie monsieur le comte Dunin, aide de camp de Louis-Napo­léon Bona­parte, et monsieur Faure, inten­dant mili­taire de Bona­parte, victime d’un coup de balle à la tête », précise le gardien Plou­vier.

Quelques heures plus tard, le sous-préfet de Boulogne-sur-Mer adresse au ministre de l’In­té­rieur une dépêche télé­gra­phique : « Louis Bona­parte est arrêté. Il vient d’être trans­féré au château, où il sera bien gardé. La conduite de la popu­la­tion, de la garde natio­nale et de la troupe de ligne a été admi­rable. » Jugé, Louis-Napo­léon Bona­parte sera condamné à l’em­pri­son­ne­ment à perpé­tuité. Il s’échap­pera du fort de Ham (Somme) après six ans de déten­tion et sera élu président de la Répu­blique française en 1848. Lors de sa visite à Boulogne-sur-Mer en 1854, l’em­pe­reur ne tien­dra pas rigueur des événe­ments de 1840, puisqu’il plaça la SHN sous sa protec­tion.

1 – L’Edin­burgh Castle était un navire à roues à aubes effec­tuant la liai­son Boulogne-sur-Mer – Rye.

2– La Société humaine et des naufrages, créée en 1825, est la première société de sauve­tage de France.

Article diffusé dans le maga­­­­­­­­­­­­­­zine Sauve­­­­­­­­­­­­­­tage n°166 (4e trimestre 2023)