Nœud de chaise et nœud d'écoute sont-ils cousins ?

Les entre­la­ce­ments sur diffé­rents nœuds peuvent revê­tir bien des simi­li­tudes dans leur struc­ture. Il en est ainsi du nœud d’écoute et du nœud de chaise, deux nœuds marins clas­siques. Mais ne seraient-ils pas cousins ? 

Un homme debout sur un bateau à quai montre comment réaliser un nœud marin à un enfant
L'apprentissage des différents nœuds marin est très utile pour la navigation. © Adobe Stock

Le nœud d’écoute

Le nœud d’écoute, aussi appelé nœud de tisse­rand, est d’ori­gine fort ancienne puisqu’il date de l’époque du Néoli­thique, où il était utilisé pour la confec­tion des filets de pêche. Il est aussi le symbole de vexil­lo­lo­gie, l’étude des drapeaux et des pavillons, parce qu’il sert à relier un pavillon à sa drisse afin d’être hissé.

La struc­ture de cet ajut est simple. Elle permet de relier 2 brins de cordage, parfois de diffé­rents diamètres. Le brin courant du plus petit cordage (dans le schéma avec la flèche) traverse la boucle (ganse) du plus gros, le contourne et vient se coin­cer sous le dormant, pour être bloqué. Sa struc­ture est donc celle d’une demi-clé verrouillée autour d’une ganse.

Malgré son nom, il est para­doxal d’ob­ser­ver que le nœud d’écoute n’est guère utilisé pour frap­per une écoute sur une voile. En effet, dans sa version simple, il n’est pas très sécu­risé, sous faible tension, et peut se dénouer tout seul ! Cepen­dant, c’est un nœud fiable qui résiste très bien aux fortes trac­tions et qui peut faci­le­ment être dénoué. Il est employé pour des usages variés et dans divers domaines, autres que le nautisme. Par exemple, en équi­ta­tion, certains dres­seurs de chevaux l’uti­lisent pour confec­tion­ner des longes et des licols adap­tables aux mensu­ra­tions de l’ani­mal, grâce aux nœuds modu­lables.  

noeud d'écoute
Nœud d’écoute. Le brin courant du plus petit cordage (dans le schéma avec la flèche) traverse la boucle (ganse) du plus gros, le contourne et vient se coin­cer sous le dormant, pour être bloqué.

Comment le sécu­ri­ser davan­tage avec une meilleure tenue ?

Pour faire un nœud d’écoute solide, il faut faire atten­tion au sens des boucles. Les deux extré­mi­tés de la corde­lette doivent se trou­ver du même côté pour éviter que le nœud ne glisse et ne se défasse. Pour renfor­cer cet ajut, vous pouvez faire un double nœud. 

Noeud d'écoute 1
Faire un tour supplé­men­taire autour de la ganse.
Noeud d'écoute 2
Ajou­ter un cabillot (ou un martyr). Même sous très forte tension, il sera facile à larguer.
Noeud d'écoute 3
Nœud d’écoute renforcé : le courant repasse sous la demi-clé pour former une figure en huit.

Variantes originales et robustes inspirées du nœud d’écoute

Le nœud Simon simple
Le nœud Simon simple : après la demi-clé,
le courant repasse sous la ganse
Le nœud Simon double
Le nœud Simon double : le double croi­se­ment
rend cet ajut très effi­cace.

Le nœud de chaise

Ce nœud de boucle est bien connu des marins, des pêcheurs et des plai­san­ciers. Il appar­tient à la famille des nœuds de boucle et c’est le plus connu et simple à réali­ser. À l’ori­gine, il était destiné à orien­ter les voiles. Son usage est très ancien. Déjà employé du temps de la Haute-Égypte, il a été iden­ti­fié dans le grée­ment de la célèbre barque solaire de Khéops, décou­verte en 1954 dans une fosse au pied de la pyra­mide de Gizeh.

L’ap­pel­la­tion « nœud de chaise » trouve son origine dans le fait que l’on puisse s’as­seoir dans la boucle pour se hisser. Il est aussi appelé nœud de bouline.

Quelles sont les parti­cu­la­ri­tés du nœud de chaise ?

Le nœud de chaise est idéal pour nouer des cordages desti­nés à subir de fortes trac­tions, car il forme un œil non coulant. Il est résis­tant et se défait faci­le­ment, même s’il a été très forte­ment serré ou que le cordage est mouillé. Pour le défaire, il suffit de le « casser » en soule­vant la boucle qui coince le brin allant vers le bas.

Toute­fois, on peut lui trou­ver l’in­con­vé­nient d’être unidi­rec­tion­nel et de se desser­rer plus aisé­ment qu’un nœud de huit après avoir subi une lourde charge.

Dans quelles circons­tances utili­ser le nœud de chaise ?

Le nœud de chaise est certai­ne­ment le nœud le plus utilisé et le plus poly­va­lent. Il peut servir dans de nombreuses situa­tions et dans de nombreux domaines d’ac­ti­vité, comme le nautisme, l’al­pi­nisme, la pêche, l’équi­ta­tion et le camping.

En navi­ga­tion, ce nœud à boucle est souvent adopté pour amar­rer des navires (à un anneau d’amar­rage par exemple), pour fixer les voiles, pour rabou­ter deux cordages, pour rempla­cer un mousque­ton de drisse ou encore, pour fixer un palan. Les nœuds de chaise sont aussi fréquem­ment employés en opéra­tion de secours ou par le grim­peur en esca­lade, car ils peuvent faire emploi de chaises de fortune (une boucle pour l’as­sise, l’autre pour le dossier de la chaise).

Comment faire un nœud de chaise ?

Il existe plusieurs méthodes pour la réali­sa­tion de ce nœud marin à boucle fixe, selon l’usage et la situa­tion. Il peut sembler diffi­cile à nouer au premier abord, mais c’est un nœud simple à réali­ser lorsque l’on s’est un peu entraîné.

Oublions ici les tech­niques du style « le serpent sort du puits, contourne l’arbre et retourne dans le puits ». Même si cette célèbre phrase est un bon moyen mnémo­tech­nique, pensons plutôt à la logique : « dessous sous dessous et dessus sur dessus » ; ce raison­ne­ment est valable pour comprendre beau­coup de nouages.

On commence par une demi-clé en tirant la longueur de brin souhaité pour réali­ser la boucle.

nœud de chaise 1
Le brin dormant passe ensuite sous la demi-clé. Le brin courant (avec la flèche) vient par-dessous celle-ci et ressort par-dessus.
noeud de chaise 2
Le brin dormant étant sous la emi-clé, le brin courant doit passer par-dessous.
noeud de chaise 3
On fait un nouveau passage dans la partie supé­rieure de la demi-clé, le brin courant vient donc dessus.

On termine par ajus­ter le nœud, puis par le serrer.

Atten­tion, selon la nature des cordages utili­sés, il est prudent de sécu­ri­ser le nœud de chaise. Dans la mesure du possible, il est préfé­rable d’y substi­tuer un œil épissé.

Si vous dési­rez faire un nœud de chaise renforcé, il est égale­ment possible de lui ajou­ter un nœud d’ar­rêt pour l’em­pê­cher de glis­ser et de se défaire. Par exemple, il est possible de réali­ser une clé avec un nœud du pêcheur double ou une clé Yose­mite. Pensez aussi à lais­ser du mou dans le dormant, car il ne faut pas effec­tuer ce nœud sous tension.

 

Les variantes du nœud de chaise

Le nœud de chaise et son envers

Peu importe le sens des demi-clés, toujours dessous sous dessous et dessus sur dessus… C’est ce qui appa­raît dans ce nœud de chaise et sa figure symé­trique. La demi-clé, surli­gnée en jaune, vient cein­tu­rer une ganse (surli­gnée en rouge) ; c’est donc la même struc­ture de nouage que le nœud d’écoute. 

Nœud de chaise et son envers


Le nœud de chaise des Inuits

Ce nœud a été observé au début des années 1900 par Franz Boas, un anthro­po­logue d’ori­gine germa­nique, qui a étudié les popu­la­tions inuites sur la terre de Baffin et dans la baie d’Hud­son. Plus compacte que le nœud de chaise clas­sique, cette variante est répu­tée plus robuste.

Noeud Inuit 1
Le courant vient dessus, puis dessous et dessus, le nœud se formant en tirant le cordage dans le sens des flèches.
Noeud Inuit 2
Comme pour le nœud de chaise clas­sique, une demi-clé enserre une ganse, mais la posi­tion du brin dormant a changé.

Le nœud de chaise est la base de nombreux autres nœuds de boucle et nœuds d’ajut :

  • le nœud de chaise de calfat : il était parti­cu­liè­re­ment pratique pour affa­ler un homme le long de la coque afin qu’il calfate les joints avec de l’étoupe et du goudron, entre les bordées ; 
  • le nœud de chaise double sur son double : il est consti­tué de deux boucles rigides et paral­lèles. Ce nœud est très pratique en opéra­tion de sauve­tage, pour hisser une personne ou alors, pour monter un équi­pier dans la mâture ;
  • le nœud de chaise boucle double : plus résis­tant que le nœud de chaise simple, il est utile pour s’en­cor­der ou se vacher au relais ;
  • le nœud de chaise de pompier : il permet de trans­bor­der ou de descendre un corps plus faci­le­ment, en passant une boucle sous le bras de la victime et l’autre sous ses genoux ;
  • le nœud de chaise triple : il assure une répar­ti­tion de charge sur trois ancrages. Il peut être employé pour hisser une personne en la tenant par les jambes et par la taille ;
    le nœud de chaise portu­gais : il permet de confec­tion­ner un harnais pour passer les jambes à travers les deux boucles ;
  • le nœud de lagui : ce nœud coulant peut servir d’ac­croche rapide, pour récu­pé­rer un élément tombé à l’eau par exemple ;
  • le nœud d’agui : consti­tué de deux nœuds de chaise, il est utile pour atta­cher 2 aussières.
     

Le bon choix des nœuds et des cordages, une ques­tion d’ex­pé­rience

Quel que soit l’em­ploi de ces deux nœuds cousins, leur résis­tance à la rupture dépend de nombreux facteurs. Tandis que leur fiabi­lité et leur robus­tesse s’ap­pré­cient avec la tension appliquée à les serrer (les souquer, en langage de marin), leur résis­tance à la trac­tion et à l’usure dépendent géné­ra­le­ment des compo­si­tions.

Pour tous les nouages pouvant conduire à des situa­tions à risque, il est indis­pen­sable de bien connaître les carac­té­ris­tiques propres des maté­riaux de cordage utili­sés (charge de rupture, résis­tance aux frot­te­ments, aux intem­pé­ries, etc.) et de choi­sir les nœuds les plus appro­priés pour un travail en sécu­rité.

  • Le cordage tradi­tion­nel en fibre natu­relle (comme le chanvre, la fibre de coco ou le lin, le sisal, le coton, le jute, le raphia, la manille) est plus rare­ment utilisé aujour­d’hui, car il coûte plus cher et qu’il est moins résis­tant aux frot­te­ments. Cepen­dant, la fibre natu­relle est plus élas­tique, supporte très bien les UV et ne gonfle pas lorsqu’elle est mouillée.
  • Le cordage en textile synthé­tique (comme le nylon, le poly­amide, le poly­es­ter, le dacron, le téry­lène, le kevlar, le spec­tra, le vectran, le poly­éthy­lène, etc.) est plus exten­sible sous le poids, plus souple et plus résis­tant aux frot­te­ments, aux chocs et à la putré­fac­tion. Il est aussi dispo­nible à plus petit prix que le cordage tradi­tion­nel. Les cordes en matière synthé­tique offrent des charges de rupture bien plus supé­rieures que celles en fibres natu­relles.

Enfin, sachons que les cordages tradi­tion­nels et synthé­tiques ne font pas toujours bon ménage lorsqu’ils sont noués ensemble.

Glossaire

Écoute (Sheet) : le cordage  frappé dans l’angle  infé­rieur d’une voile permet de  l’orien­ter plus ou moins dans  l’axe du navire.

Demi-clé (Half hitch) : ce n’est qu’une partie d’un nœud, indis­pen­sable pour sécu­ri­ser diffé­rents amar­rages.

Brin courant (Working end) : partie du cordage utili­sée pour réali­ser un nœud.

Brin dormant (Stan­ding part) : partie fixe du nœud, par oppo­si­tion au brin courant.

Ganse (Bight) : forme d’un cordage replié sur lui-même.

Vous souhai­tez contri­buer à aider une asso­cia­tion qui vient au secours des personnes en détresse en mer ? Vous pouvez faire un don à la SNSM. Grâce aux dona­teurs, les Sauve­teurs en Mer peuvent se former tout au long de l’an­née, et béné­fi­cier de maté­riel en bon état pour des sauve­tages en toute sécu­rité.

Texte et visuels four­nis par Antoine Leroy.