Amandine Aigouy portrait d’une jeune fille volontaire

Quand elle ne jongle pas avec les chiffres, Aman­dine Aigouy, jeune comp­table de 21 ans, porte secours aux marins en détresse sur les flots bleus de la Médi­ter­ra­née. C’est la touche jeunesse et fémi­nité de la SNS 272.

« C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme mais elle prend pas la femme qui préfère la campa­gne… » N’en déplaise au talen­tueux chan­teur Renaud qui opère un retour remarqué, les femmes aussi ont le pied marin.

Même s’il est arrivé à Aman­dine Aigouy, comme à nombre de cano­tiers aguer­ris, de « vomir son quatre heures et son minuit aussi » lors d’une inter­ven­tion, elle ne lais­se­rait pour rien au monde sa place sur le pont de la vedette de la SNS 272 quand le Cross­Med lance une alerte.

 

Elle est jeune, c’est une fille et elle met du vernis à ongles !

Pour­tant, elle cumule les handi­caps ! Elle est jeune, à peine 21 ans. C’est une fille et, en plus, elle met du vernis à ongles ! Elle a grandi dans la campagne vendéenne et a long­temps consi­déré la mer comme une vaste et sympa­thique piscine où, en nageuse accom­plie, elle pouvait craw­ler jusqu’à l’épui­se­ment. Niveau héri­tage géné­tique, ça n’était pas gagné non plus. Que des terriens.

Pas un seul marin, qu’il soit pêcheur, profes­seur de planche à voile ou même plai­san­cier du dimanche. Mais que s’est-il donc passé pour qu’une jeune fille, élevée à la brioche au beurre dans le bocage vendéen, quitte le doux cocon fami­lial, traverse la France d’ouest en est, et s’en­gage comme cano­tière sur la vedette d’une station de sauve­tage des Alpes-Mari­times ?

Suspen­se…. L’amour bien sûr, et aussi l’en­vie de se mettre au service des autres.

 

Une décep­tion et un coup de foudre

Section spor­tive au collège, option triath­lon puis nata­tion au lycée, Aman­dine est une spor­tive accom­plie. D’une nature plutôt passion­née, elle ne se ménage pas et pratique le sport à haute dose. Les arti­cu­la­tions de ses genoux n’ap­pré­cient guère, mais l’ado de l’époque ne s’ar­rête malheu­reu­se­ment pas à ce genre de « détails ». Elle prépare un bac S, qu’elle obtien­dra d’ailleurs avec mention, mais ce qu’elle veut c’est deve­nir mili­taire. Une voca­tion contrac­tée dans l’en­fance bien qu’au­cune de ses nombreuses poupées Barbie ne porte de treillis. Lors d’un forum d’orien­ta­tion, elle s’in­forme sur les carrières mili­taires et on lui conseille de suivre une “PMM”, Prépa­ra­tion Mili­taire Marine, afin de mettre toutes les chances de son côté pour inté­grer ensuite l’École de mais­trance à Brest, et deve­nir offi­cier mari­nier. La lycéenne rejoint donc la PMM d’An­gers, un samedi par mois, pour apprendre les rudi­ments de la vie mili­taire. Très moti­vée, elle demande à rejoindre les réser­vistes pour renfor­cer les effec­tifs pendant les vacances. Son dossier est retenu. Elle rejoint la base navale de Brest en août 2012. Et, et … elle croise Pierre. Jeune lycéen réser­viste comme elle, mais azuréen. On l’a expé­dié en Bretagne, loin de chez lui car c’est à Brest que la marine a besoin de bras cet été-là. Coup de foudre.

« C’est un beau roman, c’est une belle histoire », et il redes­cend chez lui dans le midi… Comme on est au XXIe siècle, il est facile de garder le contact. Le smart­phone c’est tout de même une belle inven­tion pour les amou­reux sépa­rés par des centaines de kilo­mètres. Aman­dine a trouvé l’amour mais une grosse décep­tion l’at­tend. Elle est reca­lée à l’exa­men de l’École de mais­trance pour raisons médi­cales. Les fameux genoux, trop solli­ci­tés à l’ado­les­cence. Heureu­se­ment, le papa d’Aman­dine, dans son infi­nie sagesse (voilà pourquoi il faut toujours écou­ter ses parents), lui avait conseillé de prévoir une alter­na­tive à l’ar­mée, au cas où… Elle était donc égale­ment inscrite en BTS de comp­ta­bi­lité à Angers. Ses études vont durer deux ans mais, dès qu’elle a quelques jours de vacances, elle file sur la Côte-d’Azur pour voir Pierre. Ce dernier, cano­tier à la station de sauve­tage du Cros-de-Cagnes, lui fait décou­vrir la SNSM.

La vie de cano­tière n’est pas toujours facile lors des premières semaines de forma­tion

 

Premiers pas comme cano­tière

En septembre 2014, son diplôme en poche, Aman­dine fait le grand saut. Elle trouve un CDD de comp­table à Nice, fait sa valise, rejoint Pierre et intègre la promo­tion 2014 des futurs cano­tiers du Cros-de-Cagnes. Forma­tion tous les same­dis matins ! Au début tout n’est pas rose. Elle n’a aucune connais­sance en navi­ga­tion. Elle ne sait pas faire les noeuds. Et se retrouve un peu isolée au milieu d’un effec­tif très majo­ri­tai­re­ment mascu­lin et mature (terme diplo­ma­tique pour souli­gner que les cano­tiers ont presque tous dépassé les 40 ans). La jeune fille serre les dents et apprend.

En mars 2015, elle fait désor­mais partie de l’équi­page offi­ciel solli­cité en cas d’alerte. Elle se souvient de sa première inter­ven­tion. Un voilier en panne moteur, la nuit, entre Ville­neuve-Loubet et
Antibes. Trois personnes à bord, un père, sa fille et son petit-fils de 7 ans. Il faut trou­ver l’em­bar­ca­tion dans le noir. Quand la vedette de la SNS 272 s’ap­proche du voilier, le soula­ge­ment des occu­pants fait plai­sir à voir.

Aman­dine en tenue orange sur le pont de Margue­rite lors d’un remorquage face à Marina Baie des Anges

Aman­dine ne porte pas l’uni­forme de la Marine natio­nale mais, à la SNSM, elle a trouvé un moyen de se sentir utile. De donner de son temps béné­vo­le­ment. Et parfois de prendre des risques pour porter secours aux autres. Déci­dé­ment non, les femmes ne préfèrent pas la campagne !

 

Article de Marjo­rie Biran, paru dans le maga­zine Sauve­tage n° 136 (2ème trimestre 2016).