Le 26 septembre 2020, Gilles transite de Perros-Guirec vers Paimpol pour y laisser son bateau pour l’arrière-saison. Vers 15 h 30, après une heure et demie de navigation, il sent une forte odeur d’essence. Quelque chose qui ne lui est jamais arrivé. Immédiatement, il envoie un SMS à sa femme qui lui répond de se mettre en sécurité. Il aperçoit le phare des Héaux de Bréhat, sait qu’il s’y trouve une cale et un coffre et décide donc de s’y mettre à l’abri.
Alerté par une très forte odeur d’essence sur son bateau, Gilles décide de se mettre à l’abri
Ma priorité c’est d’amarrer le bateau pour ne pas me retrouver en panne.
Gilles parvient à atteindre la dalle de la digue, heureusement visible puisque marée descendante et amarre le bateau à la bouée. À ce moment-là, il ne pense qu’à une panne. Il part examiner son bateau : il rentre par l’arrière, ouvre la cale, le coffre où se trouve le réservoir, et c’est à ce moment qu’une explosion se produit, à deux reprises.
Le premier souffle m’a fait me retourner, le second m’a jeté dehors. Je me suis retrouvé sur le quai.
À ce moment-là, c’est la panique. Gilles réalise l’ampleur de la catastrophe : « cet engin, il est à côté de moi, il a au moins 300 litres d’essence et il brûle. Si jamais le réservoir saute, le bateau va me sauter dessus ». À peine deux minutes après avoir été éjecté sur la digue, Gilles libère son bateau. Il n’a plus peur que d’une chose : que son bateau lui explose à la figure.
Il rappelle sa femme qui contacte le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) et l’informe rapidement que la SNSM Pleubian va venir le secourir.
Sauvetage rapide
À 15 h 40, le sémaphore de Bréhat rapporte avoir un visuel sur des flammes ainsi que de la fumée noire au niveau du secteur des Héaux de Bréhat. À 15 h 41, la femme de Gilles contacte le CROSS pour leur signaler l’incendie. Le CROSS appelle alors Gilles qui informe être à terre en sécurité au niveau du phare.
Les sauveteurs se retrouvent à la station de Pleubian quinze minutes après avoir reçu l’alerte par la présidente. Sur le chemin, ils ont tous vu l’incendie du bateau au pied du phare de Bréhat. Ils s’équipent rapidement et embarquent à bord du zodiac SNS 22108 – COMMANDANT LE BOUCHER. Ils ne peuvent pas aller vite. La météo est mauvaise, la mer agitée, avec des creux d’1m50. Le vent est de force 5.
Les bénévoles de la station retrouvent la victime en état de choc sur zone à 16 h 20, avec une blessure à la main. Le dos de sa polaire est brûlé. À peine ils accostent que Gilles saute dans leur bateau. « Les Sauveteurs en Mer sont intervenus très rapidement. Vu les conditions de la mer, vu leur provenance… Même si j’étais en sécurité sur la dalle devant mon phare, c’était très rassurant de voir arriver le bateau de secours de la SNSM et de le voir sauter dans les vagues. Quand je les ai vu arriver, avec des gens casqués, j’étais soulagé ».
Gilles reçoit les premiers soins dans le Zodiac. Un des secouristes lui nettoie sa main écorchée et lui fait un pansement. Il rigole car les sauveteurs l’appellent la « victime ».
« Sauver ou mourir, ça pourrait être la devise de la SNSM, c’est comme ça que je les vois. Même si ma situation était loin d’être désespérée, elle était traumatisante. Mais tant qu’à vivre un naufrage, un comme ça, ça va. Je ne connaissais pas cette humanité de la mer… Je n’avais jamais eu de souci, jamais tombé en panne, jamais été remorqué. ».
Gilles a 58 ans ce jour-là. Les Sauveteurs plaisantent en lui disant qu’il a allumé une belle bougie.
À 17 h 11, Gilles est de retour sur terre ferme, ramené à Port Beni par les Sauveteurs. Le SAMU le prend en charge.
Les sauveteurs retournent alors sur la zone du phare pour évaluer la pollution causée par l’incendie du bateau à moteur de près de 7 mètres de Gilles. Une nappe d’essence de 100 m2 est constatée sur zone. Ils reportent l’information vers le commissaire en charge de la lutte contre la pollution.
L’importance des règles de sécurité
Gilles a toujours navigué prudemment, en respectant les règles de sécurité. Depuis qu’il a son bateau, acheté en 2016, sa femme et lui naviguent presque tous les mois dans la région de Paimpol / Perros-Guirrec pour pêcher et se balader. Elle aurait d’ailleurs dû être avec lui ce jour-là. Mais pour une fois, il fait le voyage tout seul.
On a eu beaucoup de chance car j’étais seul. En général, elle s’allonge à l’avant. Vu ce qu’il s’est passé, elle n’aurait pas pu sortir…
D’habitude, Gilles passe au large des Héaux de Bréhat. Ce jour-là, il est passé le long de la côte parce que la mer était mauvaise. « Là je suis passé le long de la côte parce que la mer n’était pas bonne, pire que ce que j’imaginais. Je pense avoir facilité la vie de vos sauveteurs en me mettant à l’abri ».
Gilles a aussi eu de la chance car c’était l’automne. Si ça avait été l’été, il aurait été en maillot et aurait été brûlé. « Quand j’y repense, je pense foncièrement qu’appliquer la règle c’est la meilleure solution. Ce n’est pas pour rien qu’il existe des routines. Le monde de la mer, c’est un autre monde. On a une passion commune, les bateaux, la mer, on aime être dessus et on veut y rester le plus longtemps possible et vous nous y aidez. Comme pour la dispersion de cendres, vous êtes là dès qu’on a besoin de vous. C’est une aventure humaine. Il s’est passé quelque chose et ça s’est bien terminé. Tant mieux. »
Gilles s’est aussi étonné que les bénévoles se soient inquiétés de son état psychologique et physique après l’intervention. « Ils ont tous pris de mes nouvelles, c’est inestimable, ça va au-delà de leurs missions. Ils n’hésitent pas à intervenir, c’est leur engagement, mais ils vont au-delà. »
Nos sauveteurs sont entraînés et équipés pour effectuer ce type de sauvetage. Grâce à votre soutien, vous les aidez à être présents la prochaine fois !
Équipage engagé SNS 22108 – COMMANDANT LE BOUCHER
Patron : Philippe Camuzard
Sous patron : Bertrand Arzul
Nageurs de bord : Yohan Le Meur, Eric Le Moignet