Jean-Luc Dupeux, un Président qui assure !

Depuis 15 ans à la prési­dence de la station SNSM de l’Île de Ré, Jean-Luc Dupeux est égale­ment l’un des patrons de la SNS 458 basée à Saint-Martin-de-Ré. Une vedette spécia­le­ment conçue pour navi­guer dans les eaux peu profondes du Pertuis.

L’île de Ré cache bien son jeu. Au fil des décen­nies, elle s’est même forgée une image idyl­lique grâce à son charme natu­rel appré­cié l’été par des milliers de touristes se décou­vrant une passion immo­dé­rée pour la petite reine. C’est dire que les dangers venus de la mer sont, la plupart du temps, passés sous silence.

Ici, pratique­ment pas de roches trai­tresses. Encore moins de grosses tempêtes hiver­nales, à l’image de celles du litto­ral breton. Il n’em­pêche que ses côtes, de prime abord si inof­fen­sives, recèlent des pièges nés de la marée basse et de fonds sablon­neux peu profonds, encom­brés de parcs à huîtres, prêts à punir le plai­san­cier réfrac­taire à la règle des douzièmes.

La règle dite des douzièmes permet de connaître la hauteur d’eau à chaque heure de la marée. Sur nos côtes, la marée monte ou descend d’abord lente­ment puis accé­lère pour ralen­tir et enfin s’in­ver­ser. Concrè­te­ment, sur une période de 6 heures, la mer monte ou descend de 1/12e du marnage, 2/12e, 3/12e, 3/12e, 2/12e, 1/12e. Soit 12/12e durant 6 heures.

Ses plages, concen­trées pour la plupart sur la côte Sud, ses quatre ports, Rive­doux, La Flotte, Saint- Martin et Ars-en-Ré, Jean-Luc Dupeux, président de la station de l’île depuis 15 ans, les connaît sur le bout des doigts. Natif du Bois-Plage, c’est sur la plage de La Couarde qu’il tire ses premiers bords en déri­veur, avant de quit­ter Ré la Blanche pour suivre des cours de méca­nique au lycée profes­sion­nel de Roche­fort. Puis, fort de ses connais­sances, il s’en­gage en 1981, à dix-huit ans, dans l’ar­mée de Terre, spécia­lité Travaux Publics du génie civil. Il y restera jusqu’en 96 avant de retour­ner au pays. A-t-il gardé une certaine forme de nostal­gie de cette époque, qui le fait voya­ger jusqu’aux atolls de Tahiti ? Sans doute. 

Mais un goût pour l’im­prévu, une passion immo­dé­rée pour la répa­ra­tion de tout ce qui tombe en panne, assu­ré­ment. L’un comme l’autre justi­fie d’ailleurs son enga­ge­ment à la SNSM de l’île de Ré où, en 2005, il fait ses premières armes au titre de cano­tier sur le semi-rigide de 6 mètres équipé d’un hors-bord de 115 CV. « Je voulais avant tout ne pas m’ins­tal­ler dans la routine et retrou­ver dans le civil le travail d’équipe vécu dans l’ar­mée », se souvient Jean-Luc. « La SNSM permet d’al­ler vers les autres. » À l’époque, la station n’est pas encore équi­pée de la SNS 458, une vedette en alumi­nium de 9 mètres type VL (vedette légère), basée dans l’avant-port de Saint-Martin-de-Ré. La mise à l’eau du semi-rigide se fait au plus près de la zone d’in­ter­ven­tion, depuis les plages. « C’était souvent plutôt chaud se rappelle Jean-Luc, surtout par vent d’ouest. Il fallait négo­cier les vagues pour arri­ver à démar­rer le moteur avec suffi­sam­ment d’eau. »

SNS 548 – SNSM Île de Ré

Aujour­d’hui, ce sont deux semi-rigides, l’un de 4,70 m, l’autre de 3,20 m, posés sur remorque, complé­tés par un quad et un 4×4, tous station­nés dans un hangar de la plage du Peu Ragot, qui complètent la SNS 458. Leur instal­la­tion dans des bâti­ments proches de la plage et parta­gés avec les surveillants de baignade, on la doit à l’an­cien président, Jacques Baudoin, dont Jean-Luc pren­dra la succes­sion en 2000. Entre son métier de grutier sur le port de plai­sance de La Rochelle et ses acti­vi­tés de Président, Jean-Luc ne chôme pas, n’hé­si­tant pas à sacri­fier ses vacances. Mécano de métier, aidé par deux autres patrons de la vedette, Gregory Pachany et Hugo Bressy, il assure durant l’hi­ver l’en­tre­tien de la vedette arri­vée sur l’île en 2010, parrai­née par un enfant du pays, le wind­sur­fer Antoine Albeau, au palma­rès impres­sion­nant. Construite en alumi­nium, elle a été pensée lors de sa concep­tion en fonc­tion de sa zone d’in­ter­ven­tion, qui s’étend du pont de l’île au Phare des Baleines et jusqu’à la côte vendéenne. Un champ d’ac­tion où ses 50 centi­mètres de tirant d’eau lui permettent de beacher et de navi­guer au-dessus des parcs à huîtres. A bord, étran­ge­ment, on ne compte pas de marins profes­sion­nels. Tous les pêcheurs ont déserté l’île. Mais en revanche, la vedette béné­fi­cie d’un équi­page de jeunes dont la moyenne d’âge se situe autour de 35 ans. « C’est un plus, recon­naît Jean-Luc, même si parfois côté dispo­ni­bi­lité, ce n’est pas évident. Surtout l’été où la brise ther­mique en surprend plus d’un. »

Stépha­nie Berthet, seule femme de la vedette et Natha­lien Patu­reau, un des patrons

Bilan de l’an­née 2014 : 31 sorties et 38 personnes rame­nées à bon port. Quand nous nous sommes rencon­trés, Jean-Luc s’ac­ti­vait à la prépa­ra­tion de la jour­née des sauve­teurs sur le port de Saint-Martin-de-Ré. Au programme, un grand repas sur la cale prévu pour 200 personnes afin d’ali­men­ter les caisses de la station. « Il est vrai, recon­naît Jean-Luc, que nous ne sommes pas cham­pions en matière de commu­ni­ca­tion, même si chaque année nous adres­sons des cartes de vœux à nos 400 dona­teurs. » N’em­pêche !

Jean-Luc a la foi tout comme les 28 béné­voles de la station, où l’on relève dans le désordre, un paysa­giste, un gardien de prison, un libraire, un saunier et trois tech­ni­ciens spécia­li­sés dans le nautisme. Sans oublier les femmes, dont deux embarquées sur la vedette, désor­mais équi­pée pour mieux négo­cier les basses eaux de l’île de Ré et la zone dange­reuse proche du Phare des Baleines. Là où, dans les années 1870, la première station de sauve­tage fut instal­lée, à l’époque des canots à avirons armés par les volon­taires du village de Saint-Clément. Autre temps, autre histoire.

 

Portrait rédigé par Bernard Rubin­stein, Sauve­tage Maga­zine n°133.