Mais, pour eux qui sont bercés depuis leur plus tendre enfance par les « bips » (appels pour intervention), le déclenchement de l’appareil et le départ précipité d’un des parents sont dans la norme de la vie courante.
Pourtant, cette situation est loin d’être banale ! Monique Grégoire, ingénieur et Cédrick Dumoulin, hydrographe, tous deux au Grand Port Maritime du Havre, sont canotiers sur la vedette SNS 161 Président Pierre Huby. Monique est embarquée au même titre que son compagnon et les autres hommes de l’équipage, et elle n’est pas à la SNSM pour être affectée sur le « reste à terre », cantonnée dans les tâches administratives ou de maintenance diverses. Ce n’est pas le genre !
L’eau Vive
Elle n’est pourtant pas issue d’une famille de bourlingueurs des mers dont les récits l’auraient fait rêver durant son enfance. Elle se définit elle-même comme « fille de paysans, élevée à la campagne, dans les plaines de Valence… ».
Nous voilà bien loin de la « grande bleue », mais, elle a toujours été attirée par l’eau, pas par la mare aux canards, non, par l’eau qui bouge, l’eau toujours en mouvement, celle qui remue, qui tangue, qui roule ! Cette attirance pour l’eau vive la mène au DESS génie portuaire et côtier qu’elle doit préparer au Havre. Voici donc, à 24 ans, notre jeune drômoise partie Nord-Nord-Ouest, vers ce « Havre de Grâce » créé en 1517 par François 1er.
Perdue en ville, mais gardant le cap, elle arrive au bout du monde, la Digue Nord et là, elle « découvre la vraie mer et confirme son coup de foudre ». Elle va s’investir pour pouvoir parcourir cet élément qui la fascine : voile légère, régate, course-croisière, transmanche… Elle devient une plaisancière aguerrie. Lors d’une croisière, le canal 16 crépite… Elle assiste bien impuissante, sur la VHF, à une opération de sauvetage.
Ce rôle de spectatrice la marque et elle se dit « qu’il y a certainement quelque chose d’utile à faire avec la SNSM ». Dès la rentrée 1997, elle contacte Bertrand Caillet, le Patron de la vedette Président Pierre Huby. Il n’est pas du tout hostile à l’idée qu’une femme devienne canotière, puisqu’à l’époque, une femme médecin faisait déjà partie de l’équipage. Néanmoins, il impose à Monique de suivre une formation avant de pouvoir embarquer : certificat radio, secourisme, permis bateau… Réussite totale et en 1998, elle peut intégrer l’équipage en entraînement puis en intervention.
Le voileux hauturier
Son compagnon, Cédrick, a été, lui, bercé par l’air iodé. Originaire du Havre, il a toujours connu la mer, pratique la voile en croisière puis en régate avec une transat Québec-St-Malo et la grande aventure en tant que chef de quart dans une expédition « Océantarctis » sur Pen-Duick III, Le Havre, Chili, Antarctique et retour. Les conditions extrêmes, il connaît ! C’est là qu’il découvre le professionnalisme des Sauveteurs en Mer, l’un des équipiers étant victime d’un grave accident au large de l’Espagne, obligeant les sauveteurs ibériens à intervenir.
Alors que Monique est enceinte de leur premier enfant, elle lui propose de faire un essai sur la vedette de sauvetage pour la remplacer. C’était fin 1999… Depuis, il est canotier !
Organisation établie : bien entendu, il n’est pas question que le couple embarque ensemble. « Dans l’équipage, ils sont un », précise Bertrand Caillet. Et au niveau familial, tout est organisé ; « c’est celui qui se trouve sans les enfants qui part, ajoute Cédrick. La nuit c’est plutôt moi, car Monique emmène les enfants à l’école le matin. L’après-midi, c’est elle, car je les récupère ». Monique précise néanmoins : « si nous sommes ensemble, cela peut se décider de concert… ou à celui qui dira avec le plus de conviction que c’est à son tour. Mais, surtout, il faut veiller à l’égalité du nombre d’interventions pour éviter remarques ou petites tensions ». Ah, passion comme tu les tiens !
Yves Le Gac
Portrait publié dans la magazine Sauvetage n° 115 – 1er trimestre 2011