10 personnes en détresse en mer
Dix. Ils sont dix passagers embarqués sur un catamaran de location, le Leyca II, deux couples et leurs 6 enfants âgés de 3 à 10 ans. Leur projet : profiter de l’espace offert par les 11,47 mètres du voilier pour musarder paisiblement le long du littoral occidental corse. Les deux pères ne sont pas très marins et un peu déroutés par la complexité des équipements sophistiqués du bord, mais la mer est jolie, les enfants heureux, leurs mamans aussi… Las, le 11 Juillet, lors d’une mauvaise manoeuvre par mer calme (Force 2) et vent de demoiselle (Force 2 aussi), la coque bâbord du catamaran vient durement talonner contre un mauvais caillou dans la réserve de Scandolla.
Touché, le safran enfonce le tableau arrière de la coque qui cède. L’eau en profite pour entrer par la déchirure, noyer le moteur de ce bord, s’installer dans les fonds. Un voilier voisin offre le secours de sa pompe et de son expérience. Sans effet. Alors les pères joignent le CROSS. Il est 16 h 27. L’officier de quart au CROSS analyse rapidement la situation : il n’y a ni blessés ni danger immédiat pour les passagers. Il s’agit donc d’organiser le sauvetage des biens. Le CROSS organise alors des liaisons radio entre les locataires du Leyca II et leur loueur, puis les met en relation avec la station SNSM de Calvi pour convenir d’un contrat d’assistance, afin de tirer d’affaire le catamaran qui s’enfonce lentement dans ses lignes. Le tarif d’une intervention pour sauver les biens s’applique en fonction du moyen mobilisé par la SNSM et de la longueur du bateau assisté. Pour le Leyca II, il faudra compter 600 € de l’heure, un montant très inférieur à la réalité des coûts engagés par les Sauveteurs en Mer. Et encore, la note n’est pas grevée par des salaires et des charges sociales, les Sauveteurs Embarqués de la SNSM étant tous bénévoles. Dit plus crûment, ils sont gratuits. Armée par 6 canotiers, la SNS 128 de la station de sauvetage de Calvi est engagée.
La SNS 128 « Notre-Dame-de-la-Serra III » de la SNSM Calvi: © Damien Blaise
Aucun passager ne portait de gilet de sauvetage
31 minutes plus tard, elle est à couple du catamaran en détresse. Nicolas Lavigne, son patron suppléant, raconte : « La première chose à faire a été d’ordonner que les dix passagers enfilent immédiatement leur gilet de sauvetage. Aucun n’en portait. La seconde, faire passer deux canotiers sur le catamaran avec une motopompe pour étaler la voie d’eau au plus vite ». Vaillante, celle-ci mettra plus d’une demi-heure pour dégager les mètres cubes qui clapotent dans la coque bâbord. « Quand ceux-ci sont aspirés, précise Nicolas, nos canotiers font un double constat : le moteur noyé ne pourra repartir. Gênant mais tolérable puisqu’il reste celui de la coque tribord. Puis ils ont observé que l’eau qui sourdait par la déchirure, reprenait vite ses aises. Pas question donc d’arrêter la pompe ».
Réfugiés sur la coque tribord et le trampoline d’avant, les enfants sont comme au spectacle, enchantés d’observer au plus près l’activité bien ordonnée des hommes en orange. Mieux qu’un jeu vidéo, le truc le plus chouette, le plus cool depuis le début de leur navigation 7 jours plus tôt à Ajaccio. Pour les parents, l’intervention de la SNSM est un soulagement. Elle leur laisse pourtant un goût amer. Fini la croisière idyllique, bonjour la paperasse avec le loueur, avec les assurances. Fini les vacances dans leur villa flottante, bonjour la quête d’un hôtel en pleine saison pour y loger dix personnes. Et la recherche de dix places d’avion pour rentrer sur le continent plus tôt que prévu. Lentement les conséquences de la mauvaise manoeuvre pénètrent son auteur, tendent les relations entre les adultes.
Une opération délicate pour les sauveteurs
Pour les 6 sauveteurs bénévoles de la SNS 128, là n’est pas le sujet. Il leur faut accompagner le Leyca II, sans que la voie d’eau gagne sur la pompe, et lui permettre de rallier un chantier de Calvi sur un seul moteur et un seul safran. A 20 heures, le catamaran est en place pour être gruté au sec. Ses bénévoles oublieraient presque cette énième intervention. Et Nicolas de conclure : « Sur notre zone, de l’Île Rousse au sud du golfe de Porto, le littoral développe quelques 200 km linéaires. Cet été nous y seront intervenus une vingtaine de fois ». Pourtant cette sortie-là échappe à la routine : 10 personnes tirées d’affaire en quelques heures.
Nos bénévoles sont entraînés et équipés pour effectuer ce type de sauvetage. Grâce à votre soutien, vous les aidez à être présents la prochaine fois !
D’après un article de Patrick Moreau paru dans le Magazine Sauvetage n°141
Page Facebook de la SNSM Calvi
Équipage de la SNS 128
Patron : François Guettard
Patron suppléant : Nicolas Lavigne
Radio : Sabine Guiraud
Canotier : Hervé Arranz
Nageurs de bord : Eric Etievant, Olivier Mochez
Mécanicien : Jean-Jacques Lapipe