La Royal National Lifeboat Institution (RNLI) célèbre cette année son bicentenaire. Deux cents ans d’histoire foisonnante pour l’institution sœur de la SNSM au Royaume-Uni, à laquelle ont participé certains bateaux des Sauveteurs en Mer. Durant la Seconde Guerre mondiale, plusieurs canots de sauvetage français ont traversé la Manche et servi au Royaume-Uni.
19 juin 1940, appareillage clandestin du Jean Charcot de Molène
Ils sont partis le lendemain de l’appel du général de Gaulle. Le 19 juin 1940, sous les ordres de son patron Michel Corolleur, le canot de sauvetage Jean Charcot, de la Société centrale de sauvetage des naufragés (SCSN), appareille clandestinement de l’île de Molène (Finistère). Alors que la nuit tombe, vers 20 heures, il embarque vingt-trois personnes à son bord. Tous feux éteints pour éviter d’être repéré par les vedettes et sous-marins allemands, il fait route en direction des îles Scilly, qu’il atteint le lendemain vers 11 h 30. Il rallie ensuite Plymouth. L’équipage et les passagers rejoindront les Forces françaises libres, tandis que le canot de sauvetage est remis à la RNLI par le ministère de la Marine pour toute la durée de la guerre.
Le 10 mai 1945, la RNLI restitue le Jean Charcot à la SCSN, en excellent état, après qu’il a été utilisé pendant tout le conflit. L’ingénieur mécanicien John Snell, qui a servi cinq ans sur ce canot durant la période, témoignera, en 1990, que le bateau « avait été repeint aux couleurs de la RNLI, rouge, blanc et bleu. Nous étions tous entraînés au tir et équipés de fusils, juste au cas où on récupérait un aviateur allemand qui serait lui-même armé et pourrait détourner le canot, poursuit-il. C’était un beau canot. J’ai eu mal au cœur quand j’ai dû m’en séparer. »
L’odyssée du canot de Portsall
Le 19 juin 1940, un autre canot de sauvetage arrive en Angleterre. Il s’agit du Charles et Marie Chevillotte, de la station des Hospitaliers sauveteurs bretons (HSB) de Portsall (Finistère). Il transporte trente et une personnes (dont treize jeunes hommes de Portsall et neuf marins du service du sémaphore de Landunvez). Au cours de la traversée, le moteur du canot tombe en panne et c’est à la voile, après environ vingt-quatre heures de navigation, que le Charles et Marie Chevillotte rejoint le port de Plymouth. L’équipage et ses passagers prennent ensuite la direction de Londres pour s’engager dans les Forces françaises libres. Le canot étant en mauvais état, il ne peut être intégré à la flotte de la RNLI.
Le mystère du canot de Dieppe
Le canot Jean Bouzard, réquisitionné par la Marine nationale pour évacuer des soldats anglais de Cherbourg, appareille pour l’Angleterre le 21 mai 1940 sous les ordres du patron Francis Lelia et du chef mécanicien Charles Godefroy. Il revient à Dieppe le 1er juin 1946, après avoir été remis en état par la Marine nationale. Il n’apparaît toutefois pas dans les registres de la RNLI. Difficile de savoir quel a été son rôle durant ces six années. Peut-être a-t-il servi dans le Air Sea Rescue Service, chargé de la récupération des aviateurs tombés en mer, ou dans le service des opérations secrètes. Le 16 mars 1985, la SNSM cède le canot au Musée maritime et portuaire du Havre, qui sera ensuite exposé à l’Estran Cité de la Mer, à Dieppe, et est toujours visible.
Les canots britanniques évacuent les soldats de Dunkerque
La Seconde Guerre mondiale est déclarée depuis six mois quand une partie des forces alliées est acculée à Dunkerque. Des centaines de milliers d’hommes britanniques, français, belges et canadiens sont pris en tenaille entre les troupes allemandes et les eaux de la Manche.
Pour leur venir en aide, l’armée britannique organise l’opération Dynamo. Entre le 27 mai et le 4 juin 1940, plus de 335 000 hommes seront évacués par la mer. Une flottille hétéroclite de bateaux de plaisance, de navires de commerce ou de bâtiments de pêche quitte les côtes anglaises pour participer à cette opération de la dernière chance.
Parmi eux, la Royal National Lifeboat Institution (RNLI), société de sauvetage du Royaume-Uni, envoie dix-neuf de ses canots1 pour aider à l’évacuation des troupes britanniques, françaises et belges bloquées dans la poche de Dunkerque. La plupart sont armés par des militaires, mais les équipages bénévoles de Ramsgate et Margate embarquent sur leurs canots.
« Il faisait noir comme Hadès et la visibilité était nulle », dira Howard Knight, patron du canot de Ramsgate, en se rappelant cette opération légendaire. Dans cette aventure, le canot de Hythe est détruit et celui d’Eastbourne, mitraillé par un avion, est mal en point, mais pourra être récupéré plus tard. Réparé à Douvres, il reviendra au service actif en 1941. Ainsi, dix-sept canots sauvent et transportent plus de 9 300 hommes.
Le Cyril and Lilian Bishop, de la station de Hastings, est le dernier témoin existant de l’opération Dynamo. Ce canot de 11 mètres a été construit en 1931 et a servi jusqu’en 1950. Vendu et transformé pour la pêche dans l’île d’Islay, il est racheté dans les années 1980 par Simon Evans, qui le restaure magnifiquement dans son chantier naval de Migennes (Yonne). Il le cède en 2017 à Dee-Day et Beverley White pour entretenir la mémoire de la bataille de Dunkerque.
Un canot de la RNLI dans le film Dunkerque
On peut voir un canot de la RNLI dans le film Dunkerque, de Christopher Nolan, retraçant la bataille de Dunkerque. Mais le Henry Finlay, construit en 1911 et affecté à la station de Teignmouth, n’a en réalité pas participé à l’opération Dynamo.
Article rédigé par Jean-Patrick Marcq, publié dans le magazine Sauvetage n°167 (1e trimestre 2024)
1-Des stations de Gorleston-on-Sea, Lowestoft, Southwold, Aldeburgh, Walton-on-the-Naze, Clacton-on-Sea, Southend-on-Sea, Walmer, Hythe, Dungeness, Hastings, Eastbourne, Newhaven, Shoreham-by-Sea, Poole, Bournemouth, Ramsgate, Margate et Cadgwith.