Retour sur un des drames les plus tristement célèbres de l’histoire du sauvetage en mer
Le 26 janvier 1917, le sémaphore de la pointe du But signale à la station de Port-Joinville qu’une baleinière contenant sept hommes est en détresse à trois milles dans l’ouest. Ces naufragés constituent la moitié de l’équipage du vapeur norvégien Ymer, de Bergen, torpillé trois jours plus tôt par un sous-marin allemand. Le canot de la station est le Paul Tourreil, une embarcation de 9,80 mètres à 10 avirons. Son patron Noé Devaud rassemble en hâte un équipage composé en partie de volontaires, car plusieurs membres titulaires de l’équipage sont au front.
Le Paul Tourreil se porte au secours de la baleinière en détresse qu’il rejoint après deux heures de navigation. Les sept marins norvégiens sont transférés à bord du canot de sauvetage, qui entame alors son retour vers Port-Joinville. Mais le vent a dangereusement fraîchi, puis le courant s’est inversé, contrariant la marche du canot.
Le patron décide de mouiller l’ancre pour attendre un courant plus favorable, mais le câble se rompt en même temps que s’abat une furieuse tempête de neige. Les hommes épuisés se remettent aux avirons et hissent à plusieurs reprises la voilure, tentant en vain de gagner Belle-Île, puis Groix. Ce n’est que le 28 janvier à midi que le canot atterrit enfin sur la presqu’île de Raguenes, dans l’est de Concarneau, ayant parcouru plus de 100 milles. Le patron Devaud a tenu la barre pendant 48 heures par 10° au-dessous de zéro et dans une mer démontée, voyant mourir l’un après l’autre cinq des naufragés norvégiens et six de ses canotiers. Les corps de ces derniers sont transférés à l’Île d’Yeu tandis que les marins norvégiens reposent dans le petit cimetière de Nevez.
Grâce à une souscription norvégienne, un monument commémoratif est inauguré le 4 juillet 1922 sur la Place de Norvège, à Port-Joinville, en présence de nombreuses personnalités. Usé par le sel et le temps, il est remplacé par un nouveau monument identique, inauguré le 26 mai 1991. En souvenir de l’héroïque patron du Paul Tourreil, un canot de 13 mètres baptisé Patron Noé Devaud est construit en 1952 pour l’Île d’Yeu où il demeure en activité pendant quatorze ans.
Article de Patrice Brault paru dans le magazine Sauvetage n°119 (1er trimestre 2012)
Deux stèles érigées à Raguénez
De nombreuses personnalités se sont déplacées sur ces commémorations. Parmi elles, les consuls de Norvège et des Pays Bas, les élus de l’Ile d’Yeu et de Nevez, les descendants des familles des naufragés et le Président de la SNSM, Xavier de la Gorce.
Deux stèles ont été dévoilées sur la cale de Raguénez. L’une, à l’initiative de l’île d’Yeu, en remerciement pour la famille de Jean-Marie Marrec qui a ramené à terre le canot échoué. La seonde dédiée à tous les péris en mer de Névez.
Une gerbe a été lancée en mer en présence des vedettes SNSM de Doelan, Loctudy et Trévignon.
Une exposition a été mise en place à la mairie jusqu’au 25 février afin d’en savoir plus sur les circonstances du naufrage grâce à la récolte de nombreux témoignages et documents de l’époque. Cette exposition sera également présente cet été à la chapelle de Trémorvézen, du 1er au 15 juillet.