Les alertes sur le manque de bénévoles en France sont régulières. Y a-t-il des signaux inquiétants à la SNSM ?
Je veux d’abord souligner que le bénévolat, c’est l’histoire de notre association. Il découle directement de la solidarité des gens de mer. En arrivant chez les Sauveteurs en Mer, j’ai très vite compris que c’était notre ADN. S’il n’y avait plus de bénévolat, ce ne serait plus la SNSM. C’est ce qui fait notre force par rapport à d’autres associations qui n’ont pas cet ancrage historique.
Pour autant, il faut veiller à tout signal de perturbation. On parle de crise du bénévolat en France. À la SNSM, les signaux sont plus diffus. Parfois, une station dit qu’elle a du mal à recruter, ou bien à avoir des sauveteurs disponibles aux heures ouvrables ou qu’elle rencontre des difficultés à remplacer des responsables, patron de station ou président. Pour autant, aucune station, aucun centre de formation et d’intervention n’a dû, dans les dernières années, fermer ou interrompre ses missions faute de bénévoles. La mission est remplie. On tient le coup.
Même s’il peut y avoir des problèmes de disponibilité de bénévoles ?
Oui. Je sais très bien comment ils se débrouillent. Ce sont les autres, ceux qui se rendent disponibles, qui prennent une charge plus importante. Dans la société d’aujourd’hui, beaucoup de bénévoles manifestent une tendance au « zapping » : je m’engage un peu et je change souvent. Notre problème, qui est aussi la force des Sauveteurs en Mer, c’est que nous exigeons énormément de nos bénévoles ; ce sont des quasi-professionnels, ce qui suppose une très forte motivation. C’est très différent de l’adhésion à un club de pétanque, quel que soit mon respect pour la pétanque et ceux qui la pratiquent.
Les sondages montrent que l’associatif bénévole peut moins compter sur les retraités. Comment motiver des jeunes ?
Une des forces de la SNSM est de rassembler toutes les classes sociales et tous les âges, femmes ou hommes, qui ont plaisir à s’y retrouver. Et qui ne sont pas seulement des sauveteurs opérationnels ! N’oublions jamais l’importance des équipages à terre, tous ces bénévoles qui apportent un soutien essentiel à la vie de la station et à son rayonnement sans embarquer en opération.
Chez les Sauveteurs en Mer, on rencontre aujourd’hui moins de retraités parce qu’il y a moins de marins retraités. Il faut compenser par la formation. L’effort sur la jeunesse, c’est l’investissement dans leur parcours de formation.
C’est un facteur d’attractivité ?
On me le dit. Beaucoup de jeunes viennent chez nous intéressés par les formations et les compétences. C’est une des raisons pour lesquelles nous entretenons, par exemple, une qualification plongeur, très motivante, même si les interventions sous l’eau ne sont pas notre cœur de mission.
Le prix de l’immobilier en bord de mer exclut certains candidats sauveteurs, qui ne peuvent respecter les délais d’appareillage des navires de sauvetage, moins de vingt minutes en moyenne. Que faire ?
C’est un vrai sujet. Nous nous créons une obligation. Nous n’avons pas de contrat pour respecter ce délai. J’encourage les stations à ne pas se priver de bénévoles habitant plus loin que les autres. Ils ne pourront pas répondre aux alertes les plus urgentes, quand des vies humaines sont en danger. Mais ils seront précieux pour remplir d’autres missions et décharger l’équipage d’urgence. Soyons flexibles.
Comme d’autres associations, la SNSM a du mal à trouver des personnes qui acceptent de prendre des responsabilités. Ailleurs, on voit se développer les binômes. Qu’en pensez-vous ?
Il faut travailler en équipe, en collégialité. Nous encourageons partout la création de bureaux et de binômes, type président et président adjoint, pour que la charge puisse être répartie. La SNSM, avec ses cent vingt salariés, en a comparativement vingt fois moins que d’autres grandes associations. Nous reportons sur nos responsables bénévoles une charge de travail incombant ailleurs à des salariés.
Vous êtes le premier des bénévoles. À plein temps. Alors que votre carrière aurait certainement pu vous ouvrir des activités rémunératrices. Pas de regrets ?
N’ayant plus d’enfants à charge, j’ai le privilège de ne pas avoir de soucis d’argent. Le bénévolat est, pour moi, un épanouissement formidable. J’aime le contact humain, j’aime cet équipage. Mais cela tiendra, comme pour tous les bénévoles, tant que ma famille, ma femme tiendront. Il faut que les familles suivent. Nous ne mettons jamais assez l’accent sur ce soutien des proches de bénévoles, qui est indispensable à la bonne marche des Sauveteurs en Mer.
On entend aussi dire que la formation est chronophage, qu’il y a trop de prérequis ; le brevet de secouriste, par exemple. Restera-t-elle fortement conseillée, mais pas obligatoire, notamment pour les stations qui forment par transmission des anciens aux nouveaux ?
Notre système de formation est assez récent. Donnons-nous le temps de l’observer et posons-nous cette question dans deux ans. Pour ce qui est des prérequis, je rencontre souvent des bénévoles pressés d’acquérir les plus hautes qualifications. Cela me fait plaisir. Mais je pense que c’est bien d’avoir un parcours avec des étapes avant d’atteindre le but ultime, qui est de commander en opération.
Pour ce qui est du temps passé, la SNSM a réussi à faire inscrire ses formations au RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles, ndlr). Résultat concret, les actifs peuvent prendre du temps de formation comme sauveteur sur leur temps de formation professionnelle et plus seulement sur leurs congés.
Les Sauveteurs en Mer les plus âgés sont pris entre un âge de départ à la retraite qui s’accroît et la limite d’âge qui ne leur permet plus de sortir en opération. Que faire ?
Ce sujet ne sera jamais clos. Nous avons déjà assoupli et reculé la limite d’âge dans les instructions générales de la SNSM. Il faudra sans doute y revenir dans les prochaines années. En tenant toujours compte de l’expertise de notre commission médicale, car ce sont les risques qui justifient ces limites.
Propos recueillis par Jean-Claude Hazera, publiés dans le magazine Sauvetage n°167 (1e trimestre 2024)