Les sauveteurs embarqués de la station de La Rochelle sont fin prêts en ce matin du 30 mars. La préfecture maritime de l’Atlantique a concocté une mise en situation de grande ampleur au large de La Rochelle. Cela faisait dix ans que cet exercice annuel n’avait pas eu lieu en Charente-Maritime.
C’est dans un mélange d’excitation et de stress que les Sauveteurs en Mer de la vedette SNS 144 IMA Antioche attendent le déclenchement des opérations. Quelques détails du scénario ont fuité, mais personne ne sait où exactement le Chevalier Arlequin des Croisières Inter-îles – long de 27 mètres et pouvant accueillir plus de deux cent quatre-vingts passagers – va subir un départ de feu, ni combien de victimes seront touchées à bord. « C’est un exercice coordonné par le CROSS Étel (centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage). Tout est préparé en amont et les acteurs ne sont pas au courant de tout le déroulé », indique Philippe, capitaine de frégate de la Marine nationale et directeur du dispositif du jour, nommé « Antioche 2023 ».
L’objectif de la matinée est clair : mettre à l’épreuve la coordination en mer entre les différents moyens, nautiques et aériens, pour la prise en charge d’un grand nombre de personnes en détresse.
Les passagers embarquent depuis le Vieux Port de la cité maritime, près de la médiathèque. Tout a l’air vrai, sauf que les passagers sont les élèves du lycée maritime de La Rochelle. Ils ont été briefés pour jouer les victimes, celles d’un incendie parti depuis la salle des machines après une trentaine de minutes de navigation.
« Aidez-moi, je vais mourir ! »
Sur l’eau, dans les VHF, ça grésille. Il est un peu plus de 9 heures et le premier message d’alerte est diffusé sur le canal 16. « Feu de machines non maîtrisable à l’intérieur. Quatre-vingt-six personnes à bord. Demande de renforts. » Le début du scénario est enclenché. Il faut agir et vite. C’est le CROSS Étel qui va orchestrer la mise en marche des secours.
Au cœur du bateau, dans l’enchevêtrement des sièges, les fausses victimes jouent leur rôle avec conviction. Les cris éclatent de toute part. Les adolescents ont été maquillés avec du faux sang et de fausses blessures pour donner de la vraisemblance à la scène. C’est la panique à bord ! « Aidez-moi, je vais mourir », s’égosille l’un d’entre eux, allongé dans l’une des allées du bateau. À quelques mètres de lui, un de ses compagnons est affolé. Le ton monte, les blessés s’agrippent aux membres de l’équipage, premiers témoins de la scène. Ces derniers gardent leur sang-froid et gèrent les priorités, tout en essayant de rassurer les victimes en état de choc. « Nos équipages sont habitués à ce genre d’exercice car ils sont formés toute l’année, mais sans passagers », assure plus tard, sur le pont principal, Damien Courcaud, le directeur général d’Inter-îles.
Moyens nautiques et aériens
Depuis son centre de pilotage, le CROSS a décidé d’engager une importante chaîne de secours : les secours nautiques, avec les vedettes de la SNSM de La Rochelle, de l’île d’Aix et de l’île de Ré, ainsi que la vedette côtière de la gendarmerie maritime. Mais aussi les pompiers du Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de la Charente-Maritime, les SMUR maritimes de La Rochelle, de Bayonne et de Vannes, ou encore la compagnie des marins-pompiers de la base navale de Brest. Tous sont mobilisés.
Le triage, qui permet de répartir les victimes selon la gravité de leurs blessures, et les premiers gestes de secours sont réalisés par les Sauveteurs en Mer, arrivés rapidement sur le bateau. Simultanément, des équipes médicales sont hélitreuillées par l’hélicoptère Dauphin de la Marine nationale et celui de la section aérienne de la gendarmerie de Mérignac (Gironde). Dans la cohue, chacun s’organise et s’attelle à la tâche qui lui incombe. Tout le monde finira par être pris en charge. En grande partie grâce au travail des membres du CROSS, invisibles sur les lieux de l’exercice, mais qui ont coordonné l’ensemble de la réponse des secours. « On ne voit pas tout ce qui est géré là-bas », souligne le directeur de l’opération.
Au bout de trois heures, après avoir gonflé l’immense radeau de sauvetage dans le port de La Pallice et transféré l’ensemble des passagers à l’intérieur afin d’évacuer le navire, le remorquage est avorté. L’exercice s’arrête. Une trop forte houle s’est invitée au cours de cette journée ensoleillée, rendant la manœuvre trop périlleuse pour les acteurs. « C’était quand même une super expérience », se réjouit un des lycéens. Une matinée pas comme les autres, qui aura permis à toutes et à tous de s’entraîner à appréhender une situation dramatique.