La Lune, presque pleine, se reflète sur les eaux de la baie d’Authie. Elle est d’habitude la seule source de lumière à éclairer ces lieux sauvages, à cheval entre le Pas-de-Calais et la Somme. En cette nuit du 26 septembre 2023, bateaux et véhicules de secours illuminent la zone. Dix-huit migrants ont tenté de rejoindre l’Angleterre en partant de la côte française. Mais leur embarcation gonflable n’a pas tenu le choc dans les forts courants qui hantent le secteur. Ici, la navigation est traître : la baie formée par l’embouchure du fleuve Authie crée une sorte d’entonnoir, semé de nombreux hauts-fonds. Le frêle bateau pneumatique à moteur s’est crevé sur des rochers et ses passagers se sont retrouvés à l’eau.
Vers 1 h 40, les gendarmes repèrent le groupe en difficulté. Ils préviennent le CROSS (centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage) Gris-Nez. La brume recouvre le secteur. Les passagers de l’embarcation s’éparpillent à la recherche d’un refuge. Dix d’entre eux réussissent à rejoindre la terre ferme. Les huit autres sont dans une situation délicate. Ils tentent de s’abriter sur les amas rocheux des brise-lames. Il est impossible, pour les secours terrestres, de les atteindre : une aide maritime est nécessaire. La Marine nationale est déjà présente, mais ne peut pas agir. Leur navire est trop imposant et son tirant d’eau trop important pour intervenir si près des rochers.
Un enfant et sa grand-mère embarquent en premier
Le CROSS fait appel à la station SNSM de Berck-sur-Mer vers 3 h 30. Elle dispose d’un aéroglisseur, le SNS4A-01 Maxime Touchais, capable de naviguer facilement près des côtes. Deux sauveteurs montent à bord : Jean-Marc Lamblin, patron de station, et Léo Fortin, son équipier. En revanche, « l’aéroglisseur n’est pas fait pour naviguer de nuit », indique le patron. Une difficulté s’ajoute : la taille de l’embarcation. Elle mesure 4,30 mètres de longueur sur 2,30 mètres de largeur, pour une capacité maximale de trois personnes, pilote compris.
Une fois l’aéroglisseur arrivé près des naufragés, Léo reste sur les rochers pour les aider à monter sur l’engin. Puis Jean-Marc Lamblin effectue une noria jusqu’à la côte pour les déposer deux par deux. Un enfant âgé de 6 ans et sa grand-mère embarquent en premier.