En surveillance au bord de l’eau depuis cinq minutes, je vois un homme nager bizarrement, une sorte de crawl sur le côté. Cela m’interpelle, mais ses bras tournent normalement et je n’observe aucun signe de détresse ni de panique. De plus, il continue à nager parallèlement à la côte et ne revient pas vers la plage. Je garde tout de même une attention accrue afin d’être sûre que sa tête reste suffisamment hors de l’eau, tout en me déplaçant en même temps que lui.
Bien m’en prend, car, quelques secondes après, le rythme de ses bras diminue, puis le nageur se retourne sur le ventre. En quelques millisecondes, je réalise qu’il est inconscient et qu’il risque la noyade. Intérieurement, je me dis : « Là, il faut que j’y aille ! » J’alerte par radio mon collègue, Baptiste Guillaumie, et je me précipite dans l’eau en tee-shirt et en casquette, avec mon rescue tube [NDLR : bouée de sauvetage en mousse].
Je suis tellement concentrée que le temps semble s’être arrêté. Après un sprint d’une quinzaine de mètres, je saisis la personne et garde sa tête contre moi à la surface. Elle est toujours inanimée. Je la sors de l’eau et, avec l’appui de témoins, la remonte sur le sable. Une dame me propose son assistance et je lui demande d’appeler le SAMU immédiatement. Après avoir constaté que la victime ne respire plus, je me lance dans une réanimation, aidée par une femme médecin présente sur les lieux. Un autre témoin tient la tête de la victime.
À chaque fois que j’appuie sur la cage thoracique de l’homme, de l’eau s’échappe en grande quantité de sa bouche. Mais je ne me réjouis pas, car je sais qu’il a besoin d’oxygène. Heureusement, malgré une radio défectueuse, Baptiste a saisi l’urgence de mon message. Il affale immédiatement le drapeau – ce qui signale l’arrêt de la surveillance –, puis me rejoint avec le matériel adéquat. Lorsqu’il arrive, nous posons le défibrillateur sur la victime. L’appareil nous indique qu’un choc électrique n’est pas nécessaire. Nous continuons donc le massage cardiaque. Quelques minutes après, soulagement : la victime recommence à respirer par elle-même ! J’arrête le massage.
Sa femme est à côté, sidérée
Mais le taux en oxygène dans le sang est toujours très bas. Nous continuons à l’oxygéner avec l’aide des pompiers venus en renfort. Nous l’entendons à présent geindre. Petit à petit, je comprends que la situation s’améliore. Cela nous motive, nous encourageons l’homme au maximum en espérant qu’il reprenne connaissance. Sa femme est à côté, sidérée. Elle ne réalise pas ce qu’il se passe. Je la rassure en lui indiquant que son mari semble se rétablir, même si je sais que le pronostic vital est probablement toujours engagé.
Lorsque le SMUR – équipe mobile du SAMU – arrive, nous entendons la victime marmonner quelque chose. Puis elle revient suffisamment à elle pour nous parler. Elle répond à nos questions ! Je manque de m’effondrer de soulagement et de joie, mais l’adrénaline fait que je reste concentrée. Des gendarmes et mon collègue ont écarté la foule, ce qui permet au véhicule tout terrain des pompiers de nous rejoindre malgré le sable mou. L’homme est ensuite transféré dans une ambulance, puis conduit dans un service réanimation.