C’est une référence pour la SNSM. En cumulant plus de deux mille deux cents interventions en 2021 – six fois plus que l’année précédente –, les stations de Dunkerque, Gravelines, Calais, Boulogne-sur-Mer et Berck-sur-Mer ont acquis une rare expérience du sauvetage de masse, autrement dit des opérations pouvant concerner plusieurs dizaines de naufragés. Cela avec des moyens nautiques qui étaient prévus à l’origine pour n’embarquer autant de rescapés que dans des situations très exceptionnelles.
L’explosion, depuis 2018, du nombre de traversées de la Manche à bord d’embarcations précaires surchargées, s’inscrit dans un mouvement plus large de maritimisation des migrations. Pour la SNSM, comme pour la Marine nationale ou les Douanes, dont les navires sont fréquemment amenés à intervenir, ces sauvetages impliquant un grand nombre de naufragés sont un défi. C’est dans cet esprit que les Douanes et la Marine nationale se sont rapprochées de la SNSM pour lui demander, à titre exceptionnel, de former les équipages de leurs patrouilleurs aux spécificités de ce type de sauvetage. Arnaud Banos, l’un des formateurs, sauveteur embarqué à la station du Havre, a aussi participé à de nombreuses missions avec des ONG en mer Méditerranée et transmet son expertise en matière de sauvetage de masse.
Gérer le risque
Ainsi, les 25 et 26 mars 2022, à Boulogne-sur-Mer, vingt agents de la Direction nationale garde-côtes des Douanes – dont six seront appelés à devenir à leur tour formateurs pour dispenser ces apprentissages auprès de leurs collègues –, se sont mobilisés à bord du patrouilleur DF P1 Jacques Oudart Fourmentin pour une formation complète, depuis la recherche et la sécurisation d’embarcations en détresse jusqu’à la prise en charge des naufragés sur le pont.
Cela en passant par l’analyse de la situation, les techniques d’approche de l’embarcation assistée pour éviter une panique, et l’étude des risques que peuvent rencontrer tant les sauveteurs que les naufragés. La récupération de nombreuses victimes à l’eau et leur transfert vers le patrouilleur ont également fait partie du programme. Les bénévoles de la SNSM ont partagé leur expérience du sauvetage adapté à ces situations si spécifiques de gestion d’un grand nombre de victimes. Des formations similaires ont déjà été mises en place pour la Marine Nationale à Cherbourg et certaines stations des Hauts de France et de Seine Maritime.
Hypothermie et brûlures
« Les conditions des opérations ont beaucoup évolué ces derniers temps, explique Antoine Breton, adjoint au directeur de la formation, chargé de la formation sauveteurs embarqués de la SNSM. Ce ne sont plus de petites embarcations tentant de traverser la Manche par beau temps. Aujourd’hui, nous pouvons être en présence d’engins plus importants naviguant dans des creux d’1 m avec cinquante à soixante-dix personnes à leur bord. »
Les maux les plus fréquents dont elles souffrent sont « l’hypothermie et les brûlures provoquées par le carburant répandu dans le fond du bateau, poursuit Antoine Breton. Il y a aussi des mères avec des enfants, qui requièrent une attention particulière. Il faut parfois gérer des confrontations entre les naufragés qui n’en peuvent plus et demandent à être recueillis et ceux qui souhaitent poursuivre leur traversée. »
De quoi, sans aucun doute, créer des réflexes communs entre les marins des Douanes, de la Marine nationale et les bénévoles de la SNSM.
Article rédigé par Dominique Malécot, diffusé dans le magazine Sauvetage n°160 (2ème trimestre 2022)