« Le 1er février 1902, à la pointe du jour, un navire, le Nicolo Accame de Gènes, était signalé comme engagé dans les roches à la pointe de Trélévern, entre Perros-Guirec et Port-Blanc. Immédiatement avertis, le comité SCSN** de Perros et le patron se rendent en toute hâte à la station du canot de sauvetage, le Léonie, et se disposèrent à porter secours au malheureux navire. La situation était horrible ! » Le navire, un magnifique trois-mâts, était effectivement engagé dans les roches et sa perte totale ne pouvait plus qu’être une question d’heures.
« Il y avait donc la plus grande urgence à tenter l’accostage pour sauver l’équipage, dix-neuf hommes plus un pilote anglais. Mais quelle voie employer ? » Question terrible ! D’une part, l’état atroce de la mer, la direction est et la furie des vagues n’indiquaient que trop qu’aucun courage, aucun héroïsme n’arriveraient à triompher des éléments. D’autre part, la voie de la terre indiquait comme seul point de sortie possible, pour la mise à l’eau, Port-Blanc ; il faudrait faire 20 kilomètres. L’épouvantable drame ne serait-il pas consommé ?
« En présence de cette situation critique, le comité et le patron, François Briend, résolurent de lutter d’abord contre la mer. Le canot fut donc mis à l’eau. Pendant une heure d’angoisse, nos douze sauveteurs, tirant sur leurs rames, luttèrent de toute leur énergie. Hélas ! Vains efforts ! À peine réussirent-ils à avancer de 50 mètres. Durant cette lutte émouvante, le comité s’était occupé de procurer les cinq chevaux nécessaires au transport par la terre. Aussi, à peine sorti de l’eau, le canot de 9,78 mètres de long, onzième d’une série construite aux chantiers Augustin Normand du Havre, était hissé sur son chariot de mise à l’eau, prêt à partir chercher un autre point de la côte, où Dieu lui permit d’accomplir son œuvre de dévouement. Ironie du sort ! Au moment où le cortège s’ébrouait, le malheureux trois-mâts se soulevait dans un dernier spasme et disparaissait tout entier dans les profondeurs de l’abîme ! Le drame était consommé ! »
Mais les hommes de son équipage pouvaient avoir réussi à s’accrocher à des épaves. Le canot pouvait encore être utile. Ils décident donc d’aller par terre jusqu’à l’île Balanec, mais le cortège s’ébranle.
« À un endroit de la route, celle-ci était tellement resserrée que le chariot ne pouvait passer. Prendre des pioches, des pics, des masses, abattre un pan de mur, enlever d’un fossé une énorme roche, ce fut pour les sauveteurs, aidés par les locaux, l’affaire d’un instant. Le canot passe, continue sa route que la hâte d’arriver fait paraître bien longue. Enfin, on arrive à Trélévern. Là, une heureuse nouvelle vient soulager les cœurs oppressés. Tout l’équipage, plus le pilote anglais embarqué au départ de Londres, a pu, comme par miracle, se sauver grâce aux indications qui ont pu être données de terre à ses embarcations, deux baleinières qui gagnent Port-Blanc »
Article rédigé par M. Le Lay, vice-president du comité de Perros-Guirec et Patrick Moreau, diffusé dans le magazine Sauvetage n°160 (2ème trimestre 2022)
* Équipage engagé
Patron : François Briend
Sous-patron : François Grossec
Canotiers : Louis Bodiou, Jean Boutier, Francois Derrien, Louis Gallopel, Mathurin Grossec, Pierre Le Gac, Yves Le Goff, Yves Le Vot, Pierre Minous, Louis Mullaert.
** SCSN, Société centrale de sauvetage des naufragés, l’une des composantes historiques de l’actuelle SNSM