Plus de 70 000 m² de chantier naval, divisés en plusieurs grands halls séparés par des cours. Quand on les parcourt, surchaussures de sécurité aux pieds, on appréhende mieux les formidables dimensions des lieux. Et on comprend pourquoi certains employés se déplacent à trottinette. Nous sommes au Chantier Naval Couach, à Gujan-Mestras, au bord du bassin d’Arcachon, où est lancée la construction en série des navires de sauvetage hauturier de type 1, les plus imposants de la nouvelle flotte de la SNSM. Sous la fenêtre du directeur du programme, Jean-Pierre Guemri, une énorme coque de 17 mètres de long, orange à l’avant, grise à l’arrière. Pas de doute, c’est la livrée conçue gracieusement par le célèbre designer Philippe Starck.
Dans ce hall, un détail interpelle : l’ensemble pont-timonerie – déjà très avancé et équipé – n’est pas installé sur la coque, mais posé plus loin. La « boîte » n’est pas encore fermée. Dans le hall voisin, même « Meccano », mais moins avancé. La timonerie n’est pas fixée au pont.
Température et humidité régulées en permanence
Continuons à remonter la chaîne. Que cachent ces immenses draps en plastique ? Une coque en phase de peinture. Et là, isolée, comme punie ? Encore une coque, à peine sortie du moule, pas encore peinte, qui fait de la poussière quand on y pratique les découpes nécessaires aux équipements. « Si j’entends une scie sauteuse faire de la poussière ailleurs, c’est un signal d’alarme. Quelque chose n’a pas été bien prévu », explique Christian Pouliquen, qui dirige l’unité autonome de production des navires de sauvetage.
La chaîne de fabrication est décomposée en plusieurs espaces car chaque atelier a ses contraintes. Dans le hall dédié aux matériaux composites, température et humidité sont régulées en permanence. La résine, aspirée par le vide dans une multitude de petits tuyaux, remplira parfaitement le moindre recoin du moule en imbibant les tissus de verre ou de carbone. Pour le moment, opératrices et opérateurs – on ne parle plus d’ouvriers, ici – posent avec grand soin les tissus prédécoupés d’un futur pont, que l’on peine à reconnaître à l’envers. Nous venons de voir cinq exemplaires du plus grand des bateaux de la nouvelle flotte des Sauveteurs en Mer, à des stades différents. En décembre dernier, la SNSM lancé la fabrication de dix unités via une seule commande ! Après les ralentissements dus à la crise sanitaire, aux difficultés d’approvisionnement et aux indispensables mises au point du prototype, la mise en service du SNS 17–01 à la station de L’Herbaudière, sur l’île de Noirmoutier, la SNSM et le chantier ont mis un grand coup d’accélérateur.
Couach a été sélectionné pour sa capacité à industrialiser une production en série de navires similaires. Pour autant, ni robots ni bateaux qui avancent tout seuls sur des rails. Ici, l’industrialisation a une atmosphère de ruche tranquille. Pas de « Ramènemoi une visseuse ! » ni de « Tu pourrais te pousser un peu pendant qu’on passe nos fils ? » Tout semble glisser sans heurts. L’élimination des dysfonctionnements suppose un gros travail en coulisses. À partir des plans très détaillés du bureau d’études, des spécialistes ont décomposé et mis chaque action dans un ordre logique, évalué les temps d’interventions, prévu les outils nécessaires et l’approvisionnement en matériaux.