« Par la concorde, les petites choses deviennent grandes. » Telle est la devise de Toulon. Tel serait aussi le résumé d’un sauvetage conduit le 12 août 2019 sur la plage de l’Argentière à La Londe-les-Maures près de Toulon : une grande chose, fruit de tous les gestes de quatre nageurs sauveteurs et de leur chef de poste, un CRS.
« Ça s’est passé en fin de matinée », raconte Hervé Duchemin, capitaine des deux ports de La Londe (1 200 anneaux) et président de la station SNSM locale. Une fille de 15 ans se promenait dans l’eau presque en face du poste de secours. Soudain, elle perd pied et hurle de peur. Dans la seconde, la mère, toute proche, se porte au secours de sa fille. Elle aussi perd pied, appelle à l’aide. Leurs bras battent l’eau. Elles se noient.
Deux femmes en détresse quand, pourtant, les plages de sable fin de La Londe, surveillées par trois postes de secours (deux encadrées par des CRS avec des nageurs sauveteurs SNSM, une autre cent pour cent SNSM), sont faciles. Les plages s’enfoncent lentement, doucement dans l’eau, laissant un vaste espace d’évolution à ceux qui seraient peu sûrs de leurs talents de nageurs. Aussi, ces plages sont-elles appréciées des familles. D’autant que depuis deux décennies, une vingtaine de nageurs sauveteurs s’y succèdent du 1er juillet au 7 septembre pour assurer leur sécurité.
Que s’est-il donc passé ?
"C’est simple, explique Hervé. En avançant vers le large, on marche sur des herbiers de posidonies, ces petites algues de Méditerranée. Leur renouvellement annuel n’est pas uniforme. D’où des trous profonds dans cette apparence de moquette. La fille, puis la mère sont tombées dans l’un de ces trous et y ont perdu pied."
À leurs cris, le poste de secours s’engage dans la seconde. Étienne, le CRS, plonge vers la fille tandis que Guerric Menut, 20 ans, un sauveteur toulonnais formé au Centre de Formation et d’Intervention (CFI) SNSM des Bouches-du-Rhône Marseille, se saisit de la mère. Quand ils ramènent les deux victimes à terre, la mère est en stade II (1) de noyade. Pour la fille, c’est plus grave : stade III (1).
La mère et la fille en stade II et III de noyade
Emma Amirat, 20 ans, formée au CFI SNSM d’Orléans, s’est saisie du sac de secours. Il sert à transporter divers équipements de premiers secours, dont un masque respiratoire et une bouteille d’oxygène. En un instant, Emma est prête.
À l’arrière de la plage dans leur campement, deux autres nageurs sauveteurs, en repos, ont entendu les cris des femmes en perdition : Alizée Heintz et Chloé Cheval. La première, 20 ans, est également issue du CFI SNSM des Bouches-du-Rhône Marseille ; la seconde, même âge, du CFI SNSM de Lorraine Nancy (avec celui de Montbéliard, l’un des plus continentaux de France). Quoiqu’elles ne soient pas de service, elles se ruent vers la plage pour aider leurs camarades à placer les deux victimes en position latérale de sécurité (PLS), laquelle facilite la gestion des noyés inconscients. Les masques à oxygène sont posés. Ce sera l’essentiel des gestes de premiers secours avant l’arrivée des pompiers et une évacuation sur l’hôpital de Toulon.
« Objectivement, conclut Hervé, ce n’était pas un sauvetage héroïque. Juste un sauvetage rondement mené avec beaucoup de professionnalisme et d’engagement des uns et des autres. » Oui, dans la concorde, chacun a contribué à une grande chose : sauver deux vies d’un péril certain.
Les différents stades de noyade
(1) : Les stades de noyade sont des indicateurs de l’état d’une victime, employés entre professionnels (sauveteurs et médecins spécialisés), pour faciliter et simplifier la transmission du bilan d’une victime :
- Stade I : aquastress (victime consciente, fatiguée, angoissée, pas de détresse respiratoire ni d’inhalation liquidienne).
- Stade II : petite noyade (victime consciente, gêne respiratoire sans détresse, toux, tachycardie, inhalation liquidienne).
- Stade III : grande noyade (troubles de la conscience ou inconscience, détresse respiratoire avec désaturation, hypotension artérielle possible).
- Stade IV : anoxie (victime inconsciente, détresse respiratoire et circulatoire, arrêt cardio respiratoire).
Nageurs sauveteurs engagés dans le sauvetage
Alizée Heintz, Emma Amirat, Chloé Cheval et Guerric Menut.
Nos sauveteurs sont entraînés et équipés pour effectuer ce type de sauvetage. Grâce à votre soutien, vous les aidez à être présents la prochaine fois !
Article de Patrick Moreau, paru dans le Magazine Sauvetage n°152 (2ème trimestre 2020).