Jean-Louis Kleparski, l’homme aux 1 000 sauvetages

Jean-Louis Kleparski, le patron de la station SNSM de La Seyne / Saint-Mandrier, ne compte plus les sauve­tages. Pour­tant, il a dépassé le cap des 1 000 inter­ven­tions. Retour sur cet homme hors du commun et quelques-uns de ses sauve­tages.

 

À bord du bateau de « Mous­tache »

Chez les marins, il y a « des trucs de base ». À bord, on tire des aussières et on envoie des remorques ; quand « on va à la patouille », c’est qu’on se jette à l’eau ; et celui qui maîtrise son sujet « connaît la poloche ». Et puis encore plus fort que tous les trucs de base, il y a la confiance. Et l’ami­tié.

Port de Saint-Mandrier, par un après-midi secoué de mistral. Le temps idéal du plai­san­cier en perdi­tion. La Médi­ter­ra­née est une mer trom­peuse. Au large, sous un ciel bleu azur, les vagues se déchaînent. Dans la cabine de la Notre-Dame-de-Bonne-Garde, la SNS 155, surnom­mée affec­tueu­se­ment « le bateau de Mous­tache », règne un ordre impec­cable. Après dix années de mer, la vedette de première classe a fière allure et fend toujours les lames.

"Quand ça pète complet et qu’on est tous atta­chés à l’in­té­rieur pour ne pas tomber, I’am­biance est… silen­cieuse", confie Jean-Louis Kleparski, le patron de la station SNSM de Saint-Mandrier-La-Seyne.

 

Le bip à la cein­ture

La pres­sion, les Sauve­teurs en Mer la connaissent, eux qui prennent leurs jours d’as­treinte, le « bippeur » accro­ché à la cein­ture, « presque greffé dans la peau ».

« Dès qu’on a l’alerte, on a un quart d’heure pour appa­reiller ». De jour comme de nuit.

Depuis 1993, qu’il tient les bilans de ses sorties en mer, Jean-Louis Kleparski en a connu des gros coups. La Médi­ter­ra­née, il a baigné dedans. Quand il était minot à Saint-Raphaël, il aimait « faire les poulpes et les oursins ». Puis, le jeune homme, très spor­tif, a eu quelques « coquilles de noix ».

Son enga­ge­ment est venu, non par hasard, mais en rendant service. Un vieux pêcheur de Saint-Elme lui avait demandé de répa­rer sa VHF.

« Quand ils m’ont demandé de rentrer dans l’équi­page, qu’est-ce-que j’ai fait d’ac­cep­ter ! », rigole l’homme au visage de vieux loup de mer. Voilà comment tout a commencé, en 1981.

Je me suis dit que j’al­lais donner la main pour une cause qui est valable. Cela ne se calcule pas.

 

Jean-Louis Kleparsky à bord de la SNS 155 « Notre-Dame-de-Bonne-Garde »: Photo Var Matin Domi­nique Leriche​​​​​

 

Téta­ni­sée dans l’eau

Retraité de la Marine où il était major radio, « la VHF, c’était mon job », Jean-Louis ne calcule pas les jours qu’il passe pour la station SNSM, dont il est le patron depuis plus de 20 ans. Il parle de ses équi­piers en sachant ce qu’ils partagent – « une grande cama­ra­de­rie » – et ce qu’ils se doivent. Chacun met sa vie entre les mains de l’autre.

Il y a des moments très durs, il faut avoir confiance, c’est essen­tiel.

La mer n’est pas une source de fasci­na­tion. Jean-Louis n’est pas de ceux qui cherchent à défier les éléments.

La grosse mer ? C’est une rencontre, pas un plai­sir. Nous, si on part à la mer par gros temps, c’est pour aller sauver les gens.

Aux anti­podes de la légè­reté avec laquelle des plai­san­ciers incon­sé­quents s’em­barquent, parfois avec femme et enfants, dans l’in­cons­cience la plus totale.

« Il faut avoir de la patience, dit-il douce­ment. Puis, si besoin, je prends le gars à part, surtout s’il a mis des gens de sa famille en danger… » Faire comprendre que c’était une folie.

La seule récom­pense, c’est un « merci », et parfois un cadeau. Le penden­tif d’une jeune fille qui avait passé deux heures dans l’eau, accro­chée à son déri­veur retourné. « On a dû se mettre à l’eau et presque l’ar­ra­cher, telle­ment elle était téta­ni­sée. » Elle avait défait son collier en signe de grati­tude pour ses sauveurs.

Un croco­dile en plas­tique ne quitte pas le bord non plus. Donné par un « gosse » après un sauve­tage. Recon­nais­sance sans pareille.

 

Portrait paru dans Var Matin le 13 mars 2016