Martin Louchart, skipper et sauveteur en mer à la SNSM

Martin Louchart, skip­per sur la tran­sat Jacques Vabre et la Rolex Fast­net, et sauve­teur à la station SNSM de Gran­ville-Chau­sey nous explique comment le fait d’être skip­per en course au large lui apporte un complé­ment d’ex­pé­rience en tant que sauve­teur SNSM.

Martin Louchart et Clara Fortin debouts sur leur voilier à l'arrivée de la Transat Jacques Vabre
Martin Louchart, à gauche, et Clara Fortin, à droite, étaient skippers sur la Transat Jacques Vabre. © DR

Rand­stad/AUSY, le voilier Class40 de Martin Louchart et Clara Fortin est de retour à son ponton du port Chan­te­reyne, après sa belle parti­ci­pa­tion à la tran­sat Jacques Vabre. Une parfaite occa­sion pour discu­ter de ses expé­riences en mer avec Martin, sauve­teur engagé auprès de la SNSM qui a déjà un beau palma­rès de courses à son actif, avec deux parti­ci­pa­tions à la course Jacques Vabre et une à la Rolex Fasnet.

Âgé de seule­ment dix-neuf ans, Martin a commencé la voile à dix. Passionné de nautisme, il y consacre ses études. C’est par ailleurs le plus jeune navi­ga­teur de l’his­toire de la Jacques Vabre.

Équi­pier depuis deux ans sur le canot SNS 074 Notre-Dame-du-Cap-Lihou de la station SNSM de Gran­ville, sa ville natale, Martin est très investi chez les Sauve­teurs en Mer. Il a déjà parti­cipé à vingt-cinq inter­ven­tions en baie du Mont-Saint-Michel ou aux abords de Chau­sey. En tant que respon­sable tech­nique et logis­tique de la station, le bon fonc­tion­ne­ment des moyens nautiques dépend aussi en grande partie de lui. Il a pour missions la main­te­nance préven­tive et correc­tive du canot, ainsi que l’en­re­gis­tre­ment et le suivi tech­nique des moyens dans l’ou­til de gestion de main­te­nance assis­tée par ordi­na­teur (GMAO) de la SNSM. 

Comment avez-vous géré la sécu­rité pendant la course ?

Clara et moi étions systé­ma­tique­ment atta­chés au bateau par une ligne de vie la nuit, lorsque cela bougeait ou lorsque l’un de nous dormait, et cela ne s’est pas révélé si contrai­gnant. Nous portions aussi souvent un casque souple de rugby pour éviter les chocs à la tête. Malgré nos précau­tions, nous avons eu des frayeurs à deux reprises : lorsqu’en me réveillant je n’en­ten­dais, ni ne voyais Clara qui s’af­fai­rait en fait à l’avant du bateau. Par contre, nous n’avons jamais frôlé de colli­sions.

As-tu débriefé ta course avec tes cama­rades SNSM de Gran­ville-Chau­sey ?

Oui, je suis retourné à la station m’en­traî­ner. C’était chouette de retrou­ver l’équipe et de racon­ter la course. Nombreux sont les marins à Gran­ville mais pas que ! J’ai eu pas mal de ques­tions autour de la navi­ga­tion, de l’état de la mer, de l’am­biance à bord, de la casse, etc. C’est toujours sympa de parta­ger les expé­riences de chacun et ce genre de navi­ga­tion change un peu des tours du monde en chalu­tier ou en cargo ! Je ne me sens abso­lu­ment pas supé­rieur grâce à cette expé­rience. Je me rends compte que j’ai beau­coup appris en termes de sécu­rité lors de mes deux tran­sats et cela m’aide dans mon quoti­dien nautique. C’est aussi inté­res­sant car ma manière d’abor­der un souci en mer a changé : je rela­ti­vise beau­coup plus et la gestion du maté­riel et des hommes devient moins stres­sante ou angois­sante.

Bateau de sauvetage de la SNSM de Granville en mer
Sauve­teur, Martin est équi­pier depuis deux ans sur le canot SNS 074 Notre-Dame-du-Cap-Lihou et respon­sable tech­nique et logis­tique de la station de Gran­ville-Chau­sey. © SNSM

Avant le départ des grandes courses, les skip­pers suivent-ils une forma­tion médi­cale ?

En tant que coureur au large, nous devons passer la forma­tion World Sailing (ex stage ISAF) compo­sée de plusieurs certi­fi­cats de premier secours de niveau avancé (dans le jargon PSE1/2 et Médi­cale 1/2). En gros, on apprend à survivre et à faire de la méde­cine de guerre ! Ce stage dure trois jours et est vrai­ment inté­res­sant. Moi je l’ai passé au centre d’étude et de pratique de la survie à Lorient.

Durant la première partie, dédiée aux premiers secours, nous avons été initiés à l’uti­li­sa­tion de fusées de détresse et aux extinc­teurs. La flot­tille 24F de la Marine natio­nale nous a expliqué la chaîne de secours et comment les déclen­cher. La deuxième partie, plus médi­cale, nous a appris à soigner les bobos les plus bénins et à savoir poser des agrafes pour refer­mer une plaie. Nous avons eu aussi des expli­ca­tions sur les molé­cules présentes dans certains médi­ca­ments à bord type morphine, adré­na­line, afin de savoir dans quel contexte il peut être utile d’en prendre.

Le tout dans une bonne ambiance et souvent avec de grands marins ! Car qu’on navigue sur Mini 6.50 ou un Ultime à foil, c’est la même forma­tion pour tout le monde. Elle est ouverte à tous et est valable cinq ans. En tant que sauve­teur, j’ai trouvé inté­res­sant d’avoir le regard de profes­sion­nels de la voile et de mili­taires sur les secours en mer. Cela repré­sente une vraie complé­men­ta­rité quant à mon parcours et à mes connais­sances SNSM.

Quels conseils donne­riez-vous aux navi­gants pour préve­nir les acci­dents en mer ?

Le plus impor­tant se passe avant l’ap­pa­reillage. C’est tout bête mais il faut regar­der la météo et les marées, s’as­su­rer que son moteur et sa radio sont en état de marche et véri­fier que tous les équi­pe­ments de sécu­rité sont bien à bord. Je me souviens d’une grande course où nous avons été bien embê­tés parce que nous n’avions pas la bonne pile de rechange pour un équi­pe­ment qui s’est révélé de ce fait inuti­li­sable.

Une fois parti, je m’as­treins à porter en perma­nence le gilet de sauve­tage, sauf dans le cock­pit, même pour les sorties les plus basiques ou les plus courtes. J’ai toujours un bâton cyalume (bâton­net plas­tique qui émet une lumière après avoir été plié) dans une poche du gilet ou dans une banane, et lorsqu’on en a, une balise AIS indi­vi­duelle est une sécu­rité supplé­men­taire. Faire chauf­fer de l’eau sur un bateau qui bouge peut se révé­ler périlleux et il est trop bête de se brûler pour un thé ! Aussi, nous mettons toujours un panta­lon ou une salo­pette de quart avant de cuisi­ner, et de même, pour éviter d’être pieds nus, nous avons des sabots de type Croc’s en zone tropi­cale. Et enfin, il faut toujours penser à « être en phase avec ses compé­tences et ce que l’on sait faire. » En clair, ne pas se sures­ti­mer par orgueil ou incons­cience.


Article rédigé par Étienne Devailly.