Lorsqu’il parle français, son léger accent est indéfinissable. Il faut dire que Gregory Pachany, 49 ans, est né d’un père français et d’une mère canadienne, a grandi entre la France et l’Allemagne, a vécu au Canada, à Barcelone puis sur l’Île-de-Ré et habite désormais à Lymington, sur la côte sud de l’Angleterre.
Au cours de ses pérégrinations, il a attrapé un virus : celui du sauvetage en mer. C’était en 2006, alors qu’il vivait sur l’Île de Ré. « Certains de mes amis étaient bénévoles de la station SNSM locale, explique-t-il. Ils m’ont proposé de les rejoindre et je me suis dit : pourquoi pas. Au début je ne savais pas si ça me plairait et puis le virus m’a pris. »
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À Swanage, tout le monde connait la RNLI
Il passe rapidement de nombreuses formations et devient patron titulaire de la station. Il tient pendant dix ans ce rôle primordial au sein des stations et devient aussi formateur pour les autres bénévoles. Son moteur : « le challenge ». « J’aime sortir en intervention sans savoir ce qu’il va arriver et résoudre des problèmes, glisse le quadragénaire aux cheveux poivre et sel. Surtout quand c’est sur l’eau ! »
En 2015, il décide de déménager au Royaume-Uni pour que ses deux garçons « aient une éducation anglophone ». Il quitte la France et la SNSM « avec un excellent souvenir », trouve un emploi à la capitainerie de la ville balnéaire de Lymington – haut-lieu de la voile situé au sud de l’Angleterre – et va toquer à la porte de la station locale de la Royal national lifeboat institution (RNLI). « Ils m’ont dit : tu étais patron à la SNSM, c’est très bien, mais ici il faut que tu recommences tout depuis le début », se souvient Greg Pachany.
Cela n’effraie pas le sauveteur. Jour après jour, dans la station balnéaire du Hampshire aux jolies maisons d’architecture georgienne, il découvre une institution qui « a toujours été le graal, l’exemple à suivre », lorsqu’il officiait à la SNSM. Il y retrouve l’ambiance familiale qu’il connaissait de l’autre côté de la Manche. « Globalement, l’état d’esprit est le même dans les deux associations, souligne Greg Pachany. Les motivations des bénévoles sont le challenge et l’envie d’aider les autres. »
Il remarque en revanche de vraies différences dans le fonctionnement de la station. Par exemple, son premier rôle : équipier à terre. Une fonction qui n’existe pas en France. « Ici, beaucoup de bateaux ne sont pas à l’eau, mais sur des rampes de lancement ou sur des remorques, explique Greg. Les équipiers à terre sont chargés de faire les mises à l’eau et les mises au sec, de nettoyer le bateau et de faire le plein pour qu’il soit de nouveau opérationnel. C’est une façon de les entraîner pour qu’ils connaissent bien le bateau avant d’embarquer dessus. »
« 99% des propriétaires de bateaux financent l’association »
Petit à petit, le sauveteur gravit les échelons et devient l’un des patrons du semi-rigide de la station de Lymington. Au cours de sa formation, il intègre « les nombreuses procédures » mises en place par la RNLI. « En Angleterre, tout est très cadré, explique-t-il. La sécurité des bénévoles est énormément mise en avant, il y a une checklist à suivre pour tout ce que l’on fait. C’est un long processus de les apprendre, ça demande beaucoup de travail. Par exemple, pour les premiers secours, il y a des listes à suivre pour que n’importe qui, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit en intervention, soit capables de donner les premiers soins sans faire appel à sa mémoire. »
Pendant son apprentissage, le marin entrevoit aussi le fonctionnement de la station et sa place dans la station balnéaire. « Au Royaume-Uni, tout le monde connaît la RNLI. Dans un port comme Lymington, 99% des propriétaires de bateaux financent l’association. Ils connaissent tous un bénévole de près ou de loin et savent qu’elle fonctionne grâce à des dons, alors qu’en France certains pensent que les Sauveteurs en Mer sont rémunérés par l’Etat. La culture maritime me semble beaucoup plus ancrée dans les esprits. »
Dans les stations, de nombreux bénévoles ne s’intéressent pas du tout à l’aspect opérationnel. Certains font uniquement de la collecte de fonds, d’autres de la prévention en milieu scolaire. « Il y a aussi un magasin en ville qui vend des souvenirs, tenu par des bénévoles, indique Greg Pachany. Certains sont aussi présents dans les manifestations pour collecter des fonds. Ils ne montent jamais sur le bateau, ce n’est pas leur rôle et ça leur va très bien. C’est vraiment différent du fonctionnement que je connais à la SNSM. »
Mais malgré ces différences, de nombreux points communs demeurent : des stations armées par des bénévoles, toujours prêts à intervenir. « La RNLI et la SNSM sont des cousines très proches. D’ailleurs, ils partagent en partie la même mer ! Pour moi, de tous les services de sauvetage du monde, ce sont les plus ressemblants. »
Témoignage recueilli par Nicolas Sivan