200 ans de la RNLI : à Swanage, « tout le monde connaît la RNLI »

Dans cette station balnéaire du sud de l’An­gle­terre, la station de sauve­tage compte plus de 150 béné­voles. Seule une partie d’entre eux consti­tue les équi­pages opéra­tion­nels. Les autres sont entiè­re­ment dédiés à la collecte de fonds ou à déve­lop­per la noto­riété de l’as­so­cia­tion.

La station RNLI de Swanage dispose d'une boutique en plein centre-ville. Une dizaine de bénévoles s'y relaient toute l'année

Les cris des mouettes se mêlent au bruit entê­tant du ressac. Les vagues viennent s’écra­ser sur la plage de sable blanc bordée par de petites maisons de briques aux toits rendus brillants par la bruine. Dans la rue prin­ci­pale, les salons de thé côtoient les glaciers, les pubs et les stands de fish n’chips, d’où s’échappent des effluves de friture.

Swanage, dans le Dorset, est une station balnéaire typique de la côte sud de l’An­gle­terre. Autre­fois port de pêche, cette ville de 10 000 habi­tants s’est muée en para­dis pour Londo­niens en manque de grand air au début du XXe siècle. Les touristes y affluent depuis à la belle saison, impa­tients de fendre les flots sur des voiliers ou de prendre des bains de mer.


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Avec la démo­cra­ti­sa­tion des plai­sirs nautiques, le nombre de noyades ou de bateaux en perdi­tion a augmenté. Une station de sauve­tage de la Royal natio­nal life­boat insti­tu­tion (RNLI) a été créée en 1875 à Swanage pour y faire face. Installé à l’écart du centre-ville, l’im­po­sant bâti­ment en pierre abrite aujour­d’hui deux bateaux de sauve­tage : le George Thomas Lacey, un canot tous temps modèle Shan­non, dernier-né du chan­tier naval de la RNLI (lire p.XX), et le Roy Norgrove, semi-rigide de 5 mètres.

Leur équi­page opéra­tion­nel est consti­tué de trente-deux béné­voles. A l’en­trée de la station, un panneau regroupe leurs portraits souriants en tenue jaune et bleue des sauve­teurs de la RNLI. « Un seul d’entre nous est marin de métier. Il y a un boucher, un agent immo­bi­lier, des travailleurs indé­pen­dants, énumère Becky Mack, elle-même avocate. Le plus jeune vient de fêter ses 20 ans, le plus âgé a dépassé la soixan­taine. »

Des béné­voles sur le bateau, à terre, dans les écoles…

Les sauve­teurs de Swanage inter­viennent de 60 à 70 fois par an, géné­ra­le­ment entre Pâques et la fin du mois de septembre. « Nous aidons des plai­san­ciers, des personnes en paddle ou en kayak, ou bien des gens qui se blessent sur des plages inac­ces­sibles par la route », précise Dave Turn­bull. Le quinqua­gé­naire au regard perçant, béné­vole depuis ses 19 ans, est désor­mais le coxs­wain de la station – le patron prin­ci­pal. Il est égale­ment le seul équi­pier employé par l’as­so­cia­tion afin d’as­su­rer l’en­tre­tien des embar­ca­tions et de la station, ainsi que d’or­ga­ni­ser la vie béné­vole.

Une lourde tâche : la station de Swanage ne se limite pas à ses équi­piers embarqués. Ils sont aidés par trois équi­piers au sol, qui se chargent de la mise à l’eau et de la mise au sec des bateaux, ainsi que par cinq launch autho­ri­ties, qui assurent la liai­son avec les centres de secours. « C’est eux que les garde-côtes appellent s’ils ont besoin de nous, précise Dave Turn­bull. Ils décident alors si c’est une mission pour la RNLI. Dans les faits, ils disent oui 99% du temps et ne refusent que s’il y a un danger évident pour l’équi­page.  » Si la situa­tion est d’une extrême urgence, les garde-côtes peuvent toute­fois déclen­cher direc­te­ment le départ d’un bateau de sauve­tage.

Puis il y a les béné­voles qui ne sont pas direc­te­ment liés au sauve­tage en mer : dix-huit font de la préven­tion dans les écoles, quatorze tiennent la boutique située en centre-ville et près d’une centaine sont dédiés à la collecte de fonds. « Bien sûr, tous ne sont pas autant enga­gés les uns que les autres, indique Becky Mack. Quand tu es béné­vole, tu peux en faire beau­coup ou très peu.  »

Mais les résul­tats sont là : la station a subi une réno­va­tion totale en 2016. Le hangar muni d’une rampe permet de lancer rapi­de­ment le canot tous temps et de le remon­ter au sec après chaque sortie. Une obli­ga­tion dans cette ville qui ne dispose pas de port où pour­rait être amarré le navire. Les béné­voles disposent égale­ment d’une salle de réunion avec vue sur la mer, d’un grand vestiaire où les tenues, rangées par numéro, son prêtes à être enfi­lées le plus vite possible. Coût total de l’opé­ra­tion : 8 millions de livres ster­ling (envi­ron 9,5 M€), rassem­blés notam­ment par des legs. « En plus de ça, nous sommes parve­nus à réunir 450 000 livres loca­le­ment, souligne Dave Turn­bull. Cela montre à quel point les gens du coin nous soutiennent.  »

Rampe de lance­ment de la station de Swanage

Une liste d’at­tente pour former les sauve­teurs

La station de Swanage, comme la plupart des stations de la RNLI, est inti­me­ment liée à la vie locale. « Tout le monde sait où l’on se trouve et connaît un sauve­teur de près ou de loin », s’amuse Becky. Une noto­riété que les béné­voles cultivent de longue date : ils orga­nisent chaque année une life­boat week (litté­ra­le­ment une « semaine du bateau de sauve­tage »), où ils tiennent un bar et un restau­rant de barbe­cue, montent une pièce de théâtre, projettent des films en plein air… Des béné­voles char­gés de la collecte de fonds sont égale­ment présents lors des événe­ments locaux pour rappe­ler que la RNLI n’est finan­cée que par les dons du public.

«  Tout le monde le sait ici, s’ex­clame Eliza­beth, debout derrière le comp­toir de la boutique locale. D’ailleurs, les gens nous posent peu de ques­tions sur l’as­so­cia­tion, ils nous connaissent. Ça ne m’est arri­vée qu’une fois de me dispu­ter avec un touriste espa­gnol qui ne voulait pas croire que les sauve­teurs étaient béné­voles !  » La petite boutique, blot­tie entre une agence immo­bi­lière et une bijou­te­rie sur l’une des prin­ci­pales artères de la ville, est ouverte presque tous les jours de l’an­née. « L’été, tous les touristes viennent nous ache­ter quelque chose pour soute­nir la RNLI, pour­suit l’ins­ti­tu­trice retrai­tée. C’est vrai­ment devenu un réflexe. » 

Un succès popu­laire qui ne se dément pas : devant l’af­flux de candi­dats, la station a mis en place une liste d’at­tente. Lorsqu’un sauve­teur annonce qu’il va arrê­ter, un nouveau commence à être formé. «  Nous ne pouvons pas avoir trop d’équi­piers à la fois car ils n’in­ter­vien­draient pas assez, souligne Becky Mack. C’est pourquoi nous préfé­rons une équipe réduite qui tourne bien. Mais nous sommes toujours en train de former quelqu’un : il faut envi­ron un an d’en­traî­ne­ment avant d’être opéra­tion­nel !  »

Article rédigé par Nico­las Sivan