200 ans de la RNLI : à la découverte des sauveteurs britanniques

La Royal natio­nal life­boat insti­tu­tion, la plus ancienne société de sauve­tage en mer, fête cette année ses 200 ans. L’as­so­cia­tion britan­nique est aujour­d’hui l’une des impor­tantes au monde avec plus de 30 000 béné­voles actifs. Repor­tages, témoi­gnages, articles histo­riques : décou­vrez ce monu­ment du Royaume-Uni dans notre dossier.

Les bénévoles de la RNLI, à l'emblématique tenue jaune et noir, sont plus de 30 000

Trois canots de sauve­tage trônent sur le parvis de la célèbre abbaye de West­mins­ter, située au cœur de Londres. Une foule de plus de près de 2000 personnes s’en­gouffre dans l’im­po­sant bâti­ment gothique où sont couron­nés rois et reines d’An­gle­terre. Parmi eux, plusieurs sauve­teurs en tenue étanche complète, gilet de sauve­tage sur le dos. Certains, sous le regard des camé­ras, tiennent un cierge. D’autres portent une copie de « l’ap­pel à la nation » lancé deux cents ans plus tôt par William Hillary, fonda­teur de la Royal natio­nal life­boat insti­tu­tion.

Le bicen­te­naire de la RNLI – équi­valent britan­nique de la SNSM – a été un véri­table événe­ment au Royaume-Uni au mois de mars. Les communes qui accueillent une des 238 stations de sauve­tage ont orga­nisé des célé­bra­tions. Et la plus ancienne des socié­tés de sauve­tage en mer en orga­ni­sera d’autres au mois de juin, où sauve­teurs et person­na­li­tés du monde entier seront conviés.


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L’ins­ti­tu­tion cari­ta­tive est un monu­ment au Royaume-Uni. Selon les sondages, plus de 80% de la popu­la­tion adulte connaît son action. Finan­cée exclu­si­ve­ment par la géné­ro­sité du public, elle utilise cette noto­riété pour collec­ter d’im­por­tantes sommes qui lui permettent de secou­rir plus de 40 000 personnes par an. « Nous sommes proba­ble­ment la plus grande société de sauve­tage en mer au monde », estime Mark Dowie, direc­teur géné­ral de la RNLI, qui compte plus de 9000 sauve­teurs béné­voles et 25 000 béné­voles dédiés à la collecte de fonds. Une côte de popu­la­rité qui ne se dément pas au fil du temps, malgré d’im­por­tantes évolu­tions.

Des naufra­gés aux kite surfeurs

« La RNLI a été fondée il y a 200 ans pour inter­ve­nir lors des naufrages, retrace Mark Dowie. Il y en avait à l’époque plus de 1 800 chaque année au large du Royaume-Uni. Les gens mour­raient car il n’y avait aucun moyen de les rame­ner à terre. C’est ce que nous avons fait pendant 120 ans, mais aujour­d’hui les choses ont bien changé. »

Après la Deuxième guerre mondiale, le rôle de la RNLI a profon­dé­ment évolué. Comme en France, les naufrages sont deve­nus plus rares et moins meur­triers. Mais la pratique des loisirs nautiques a explosé. La voile d’abord, puis la planche à voile, la nage, la pêche de loisir, le kite surf aujour­d’hui…

Face à ces chan­ge­ments, la RNLI s’est adap­tée. Elle a créé il y a 20 ans un service de nageurs sauve­teurs dédié à la surveillance de la baignade. Ils sont aujour­d’hui 1600, répar­tis sur 250 plages. « C’est extrê­me­ment effi­cace, estime Mark Dowie. Nos nageurs sauve­teurs sauvent des centaines de vie chaque année et viennent en aide à des dizaines de milliers de personnes. »

Si elle possède toujours plus de 160 canots tous temps capables d’in­ter­ve­nir en pleine mer, l’ins­ti­tu­tion a aussi déve­loppé ses moyens de sauve­tage côtiers. Ils effec­tuent aujour­d’hui près de la moitié des inter­ven­tions en mer. De larges portions du litto­ral britan­nique ne possé­dant pas de port de pleine eau, elle s’est équi­pée d’im­po­santes remorques de mises à l’eau tirée par des trac­teurs qui remplacent les atte­lages d’an­tan. Le Shan­non, plus récent modèle de canot tous temps long de 13,6 mètres pour 17 tonnes, a été conçu pour pouvoir être tracté direc­te­ment dans l’eau.

La RNLI fabrique ses propres bateaux

Ce navire de sauve­tage dont la cabine a des allures de vais­seau spatial a été conçu et construit par la RNLI. L’ins­ti­tu­tion possède désor­mais trois usines, où elle fabrique et répare la plupart de ses embar­ca­tions. Celle dédiée aux semi-rigides se trouve sur l’île de Wight, les deux autres sont situées à Poole, sur la côte sud de l’An­gle­terre, à quelques pas du siège de l’as­so­cia­tion. 

Un immense bâti­ment gris installé au bord de l’eau, sur lequel est sobre­ment inscrit « bâti­ment des canots tous temps ». A l’in­té­rieur, un enchaî­ne­ment de salles à la propreté clinique. Dans la première sont créées les coques en maté­riau compo­site. Puis, de salle en salle, les bateaux prennent vie : pein­ture, instal­la­tion des moteurs, instal­la­tion de la cabi­ne… « Nous avons investi 20 millions de livres (23,4 M€) pour mettre en place notre chaîne de produc­tion, indique Greg Weekes, respon­sable des lieux. Dix ans plus tard, l’in­ves­tis­se­ment est renta­bi­lisé. Et nous sommes capables de produire quatre canots par an, qui corres­pondent exac­te­ment à nos besoins. »

Plus de 150 personnes sont dédiés à la fabri­ca­tion des bateaux de sauve­tage. Une petite partie des 2000 employés de la RNLI, qui soutiennent l’ac­ti­vité des sauve­teurs. « 96% de nos équi­pages opéra­tion­nels sont des béné­voles », souligne Mark Dowie. Quelque 300 employés sont unique­ment dédiés à la collecte de fonds. Ils ont rassem­blé 222 millions de livres ster­ling (260 M€) en 2022, tandis que la RNLI en a dépensé 188 millions (220 M€). Deux cents employés font égale­ment partie des équi­pages, où ils sont notam­ment char­gés de l’en­tre­tien des canots tous temps et de l’ani­ma­tion de la station. Une colos­sale machine dédiée au sauve­tage en mer.

Un hôtel, une piscine à vagues et des visites guidées

Le siège de la RNLI à Poole est une véri­table ville dans la ville : plusieurs bâti­ments de bureaux, un hôtel-restau­rant-pub, une piscine à vagues pour l’en­traî­ne­ment, deux usines et un atelier de répa­ra­tion… Dans cette ruche qui ne dort jamais sont orga­ni­sées en perma­nence des forma­tions pour les béné­voles, qui défilent dans leurs tenues jaunes et bleues.

Preuve de la célé­brité de la RNLI : le lieu fait aussi l’objet de visites guidées quoti­diennes. Des groupes de visi­teurs inspectent les équi­pe­ments, découvrent l’ate­lier où sont désos­sés les moteurs, restent ébahis devant l’im­mense piscine d’en­traî­ne­ment où peuvent être recréées toutes les condi­tions de mer. « J’ad­mire les béné­voles de la RNLI », s’ex­clame Jill, retrai­tée venue de Cardiff à l’air espiègle derrière ses lunettes colo­rées. « Mon défunt mari leur faisait régu­liè­re­ment des dons et main­te­nant je les suis dans leur émis­sion de télé sur la BBC (lire enca­dré ci-dessous). »

La mise en place de cette formi­dable orga­ni­sa­tion au cours des quarante dernières années a entraîné une impor­tante évolu­tion des pratiques des sauve­teurs britan­niques. « Quand j’ai débuté en 1974, j’étais l’un des seuls à ne pas être pêcheur de métier, s’ex­clame Kevin Dingley, 65 ans, béné­vole à la station de Mude­ford. Aujour­d’hui, il n’y en a plus qu’un. En consé­quence, la forma­tion des équi­piers est beau­coup plus complète. Nous avons mis la sécu­rité des équi­pages au premier plan. »

La sécu­rité avant tout

Grâce à des procé­dures claires et strictes, la RNLI n’a déploré aucun décès de sauve­teur en inter­ven­tion depuis 1981. « Main­te­nant, on apprend d’abord à se mettre en sécu­rité avant de secou­rir les autres », juge Dave Riley, coxs­wain – équi­valent du « patron » à la SNSM – et forma­teur de la RNLI depuis plus de 20 ans. « Avant même de monter sur un bateau, les nouveaux doivent apprendre à se servir d’un gilet de sauve­tage, connaître le reste de l’équi­pe­ment par cœur… Cela prend plusieurs semaines !  »

Les ques­tions de sécu­rité sont au cœur d’une des actua­li­tés majeures de la RNLI ces derniers années : le sauve­tage des personnes qui traversent la Manche pour rejoindre l’An­gle­terre depuis les côtes françaises. Plus de 36 000 en 2023 selon le gouver­ne­ment britan­nique. « Nous avons adapté nos services, explique Mark Dowie. Le huit stations les plus proches de la France ont été très occu­pées ces dernières années. On a dû les aider en leur attri­buant plus d’em­ployés à plein temps et en déve­lop­pant de nouveaux maté­riels permet­tant de sauver de nombreuses personnes en mer.  »

L’ac­tion de la RNLI dans la Manche a été critiquée par des élus anti-immi­gra­tions au Royaume-Uni. Sans que cela ne fasse sour­ciller l’ins­ti­tu­tion. « Notre mission est de sauver la vie en mer, rappelle Mark Dowie. Nous ne deman­de­rons jamais un passe­port avant de venir en aide à quelqu’un. D’ailleurs, nous inter­ve­nons régu­liè­re­ment avec les équi­pages français dans la Manche. J’ai beau­coup de compas­sion pour eux car ce doit être très dur de rame­ner à terre des gens qui veulent repar­tir. Je souhaite à tous les béné­voles et les équipes de la SNSM le meilleur et les remer­cie leur amitié et pour les moments où nous travaillons ensemble. »

La RNLI, star de la télé

La RNLI est une véri­table insti­tu­tion au Royaume-Uni. Une popu­la­rité qu’elle travaille depuis de longues années. « La première collecte de fonds publique au monde a eu lieu à Manches­ter pour la RNLI au XIXe siècle », rappelle Mark Dowie, son direc­teur géné­ral. Depuis, l’as­so­cia­tion a conti­nué à être très présente dans les médias. Depuis les années 1960, elle colla­bore avec la célèbre émis­sion pour enfants Blue Peter, diffu­sée sur la CBBC, pour faire connaître son action. Les appels aux dons lancés par les présen­ta­teurs ont permis de finan­cer 27 navires de sauve­tage. Depuis 2016, la RNLI a égale­ment sa propre émis­sion sur la chaîne BBC2. Grâce à des images prises par des camé­ras fixées notam­ment sur les casques des sauve­teurs, la cinquan­taine d’épi­sodes illustre leur quoti­dien, du nettoyage de la station aux inter­ven­tions les plus risquées. « Le programme télé a beau­coup changé les choses, estime Dave Riley, béné­vole depuis près de 30 ans. Notre côte de popu­la­rité est désor­mais sans pareil.  »

Chiffres :

9 700 sauve­teurs embarqués béné­voles
1 630 nageurs sauve­teurs
25 000 béné­voles dédiés à la collecte de fonds
2 000 employés
238 stations de sauve­tage
458 bateaux de sauve­tage
9 300 inter­ven­tions des bateaux de sauve­tage chaque année
39 000 personnes aidées chaque année

Article rédigé par Nico­las Sivan