Mardi 2 juillet 2024. Plage de Tahiti à Névez, près de Concarneau (Finistère). Une dizaine de personnes sont sur le sable pour le dernier cours de Pilates de la saison. « Regardez là-bas, vers les Glénan », dit soudain l’une d’elles en montrant un bateau. « C’est l’Anemos qui passe. » De loin, le voilier a l’air petit.
À quai, près des chantiers Piriou, au port de Concarneau, personne ne peut rater ses mâts culminant à 64 mètres. Long de 80 mètres, capable d’emporter 1 100 tonnes de cargaison, l’Anemos a les dimensions des fiers cap-horniers de la fin du XIXe et début du XXe siècles. Quand vous lirez cet article, l’imposant deux-mâts aura peut-être quitté Le Havre pour son premier trajet direction New York – la ligne à laquelle le destine son armateur, Towt. La compagnie maritime française voit grand : un navire jumeau arrive, tandis que quatre autres sont commandés. Et elle n’est pas la seule. Les affaires reprennent pour le transport à voile, entre autres en France.
Dans les années à venir, des cargos neufs et conçus pour la voile vont transporter plus, voire beaucoup plus de marchandises que les vieux voiliers restaurés affrétés jusqu’ici. Ils vont naviguer en supprimant 80 à 100 % des émissions de gaz à effet de serre des cargos à moteur. Une mesure beaucoup plus radicale que l’ajout d’une propulsion à vent auxiliaire sur les cargos à moteur existant, qui se développe aussi beaucoup.
Les projets sont nombreux : au Vietnam, Piriou a construit le Grain de Sail II, 52 mètres de long. Avec le Grain de Sail I, il transporte notamment les matières premières nécessaires à son propriétaire, chocolatier à Morlaix. À Concarneau, la société MerConcept – fondée par le coureur et ingénieur François Gabart – est partenaire technique du projet Vela, trimaran cargo de 65 mètres de long. En Turquie avance la construction du Neoliner Origin, le premier voilier Ro-Ro (Roll on/Roll off, dans lequel le fret tracté ou automoteur à roues entre et sort directement de la cale) de la société Neoline, basée à Nantes, dessiné par le bureau d’études Mauric.
Comment et pourquoi des armateurs – certes militants – prennent-ils le risque d’investir dans des voiliers qui restent bien petits à côté des gigantesques porte-conteneurs de 400 mètres de long ? Pourquoi ne pas changer simplement de carburant ? N’y a-t-il pas des technologies plus novatrices que les voiles ? Nous vous proposons quelques éléments de réponses.
Pourquoi le vent plutôt que d’autres carburants ?
Revenir à la voile au lieu de changer simplement de carburant est, pour le moment, la seule solution si l’on veut aller loin. Yann Guézénec, responsable recherche et développement des chantiers Piriou, consacre l’essentiel de ses recherches au transport décarboné. Il résume : « Le gasoil était un carburant formidable, sûr, facile à stocker, concentrant beaucoup d’énergie en peu de volume. Le seul problème, c’est qu’il ne faut plus en utiliser. »