Frédéric Postel a marqué sa ville de son empreinte, au sens propre comme au figuré. Le 18 février 2023, la commune de Trouville-sur-Mer (Calvados) a installé une plaque commémorative au cimetière, à l’occasion des cent dix ans de sa disparition. Une rue lui avait déjà été dédiée. Né le 22 avril 1846, le marin à la longue barbe et au regard perçant est le parangon du sauveteur en mer du XIXe siècle. Maître baigneur du célèbre hôtel Les Roches Noires à Trouville, marin pêcheur, maître haleur du port1, patron du canot de sauvetage… Il incarne à merveille la première devise des sauveteurs : « Je sauve, donc je suis. »
L’une de ses interventions est à l’origine de la réouverture, en 1885, de la station de Trouville, qui existe toujours aujourd’hui2. Le 28 août 1884, sur la côte fleurie, « le ciel est lourd et noir. La tempête se déchaîne aussi loin que la vue peut atteindre ses violences et ses fureurs3. » Sous les coups d’une lame impitoyable, le sloop4 Aimée-Marie-Victoire commence à sombrer. Ses trois hommes d’équipage sont cramponnés aux haubans, la mer déferle avec rage. La foule des baigneurs silencieuse se presse sur les jetées, impuissante, la gorge serrée par l’angoisse. Cependant, un petit canot lutte contre les flots, des bras d’acier tiennent les avirons. Perdu dans l’écume des embruns, il reparaît bientôt à la crête des vagues. Frédéric Postel touche au but et sauve les marins de l’Aimée-Marie-Victoire.
1 500 personnes se pressent pour féliciter les sauveteurs
Une fois nommé patron du Brancy5, le sauveteur fait l’admiration des habitants de la commune, qui perdaient régulièrement des proches lors de fortunes de mer. Le 24 octobre 18876, le vapeur Adam Smith se présente en rade de Trouville, dans une mer démontée sous l’influence d’un coup de vent de nord-ouest, empêchant la sortie des pilotes. La tempête redoublant de violence, le charbonnier britannique tente d’accéder au port au moment de la pleine mer. Malheureusement, il manque l’entrée du chenal et talonne sur l’enrochement. Il s’échoue à la côte située à l’est des estacades, en face du casino.
Couvert par les lames, les feux éteints, le navire recevant les vagues par le travers se couche sur tribord. Frédéric Postel fait rassembler l’équipage7 du canot de sauvetage Le Brancy. Il atteint le navire après une heure de lutte contre la violence des lames. À l’exception du capitaine et du second, qui souhaitent rester à bord, les six hommes d’équipage de l’Adam Smith embarquent dans le canot de sauvetage, sous le regard d’une foule de plus de 1 500 personnes massées sur les côtes, qui se précipitent pour féliciter chaleureusement les sauveteurs.
Frédéric Postel a été récompensé trente-deux fois à la suite de sauvetages périlleux. Chevalier de la Légion d’honneur, lauréat du prix Montyon, il a reçu deux médailles et trois croix civiques belges en reconnaissance d’interventions lors des campagnes de la flotte de pêche trouvillaise au large d’Ostende. Il est décédé chez lui, à Trouville, le 16 février 1913. L’ensemble de ses médailles est toujours conservé au musée Villa Montebello, à Trouville.
* Prix Montyon : créé au XVIIIe siècle, le prix de vertu Montyon a pour buts de « répandre les bons exemples, faire connaître les actions vertueuses et encourager à les imiter »
1 Personne en charge de l’amarrage des navires dans un port.
2 Il s’agit aujourd’hui de la station de Trouville - Deauville.
3 Extrait du discours du commissaire de l’inscription maritime Piquié. Annales de la Société centrale de sauvetage aux naufragés (SCSN) de 1886.
4 Petit bâtiment caboteur ou pêcheur à voile à un seul mât.
5 Canot Augustin Normand de 8,60 mètres dit inchavirable, huit avirons, un mât avec voile au tiers.
6 Annales de la SCSN de 1888.
7 Patron : Frédéric Postel, sous-patrons : Bellanger et Livoury, canotiers : Legrix, Petit, Deshayes, Laromanie, Douvre, Carval, Delandre
Article rédigé par Jean-Patrick Marcq, diffusé dans le magazine Sauvetage n°164 (2e trimestre 2023)