On le surnomme « l’Everest de la voile ». Le Vendée Globe partira le 10 novembre des Sables-d’Olonne. Les voiliers descendront plein sud dans l’Atlantique pour les mers les plus inhospitalières du monde, au sud de l’Afrique, de l’Australie et de l’Amérique du Sud, là où aucune terre n’interrompt le mouvement des vagues ni ne ralentit les vents. Ils feront le tour de l’Antarctique au-dessus de la limite des glaces, avant de remonter l’Atlantique en direction des Sables-d’Olonne. Record à battre, établi en 2016–2017 : 74 jours !
Vous connaissez bien le Vendée Globe pour avoir secondé les directeurs de course des trois dernières éditions. La difficulté n’est-elle pas d’éviter la routine, d’être toujours en éveil ?
Hubert Lemonnier : La difficulté, c’est de ne pas perdre de vue que la direction de course est d’abord là pour la sécurité, la technologie et le sport, en veillant au respect des règles et en préparant de bonnes conditions de course. Le succès de l’épreuve – dont c’est la dixième édition – amène beaucoup de monde à se joindre aux différentes équipes et cela devient très complexe à organiser !
Les concurrents sont très expérimentés, mais seuls et loin de tout sur des mers réputées les plus difficiles du globe. Comment la sécurité est-elle organisée ?
C’est le gros sujet. Les concurrents entre eux sont notre première source d’aide puisqu’ils se suivent. Il y a des écarts, mais ils vont dans la même direction. Quelqu’un de plus ou moins proche peut donc venir aider un concurrent, sauf s’il est le dernier et vraiment loin.
En amont, un gros travail de préparation est effectué avec les skippers et la classe Imoca [ndlr : classe qui définit les caractéristiques des monocoques conçus avant tout pour le Vendée Globe] afin de veiller à ce que les skippers et leurs bateaux soient au bon niveau de préparation. C’est pour cela qu’il y a des courses qualificatives, obligatoires pour être sélectionné.
Comment les skippers sont-ils formés ?
On les fait beaucoup, beaucoup naviguer et, à chaque navigation, on les contrôle sur la préparation de leur bateau. On organise aussi un stage Imoca, spécial Vendée Globe, obligatoire pour les skippers qui n’y ont jamais participé, où l’on traite les principaux sujets de sécurité et où on les teste pour vérifier que chacun connaît son matériel, sait l’entretenir et s’en servir.
Nous complétons aussi leur formation sur le Règlement international pour prévenir les abordages en mer – Ripam –, à appliquer quand ils croisent un cargo, ainsi que sur la manière dont leurs commandants réagissent.
Vous appuyez-vous aussi sur des intervenants extérieurs ?
Bien entendu, les concurrents doivent être à jour de leurs stages de survie – organisés par la fédération mondiale de voile, ou World Sailing – et de formation hauturière. Ce sont, selon les cas, des recyclages ou des certificats à passer. C’est conséquent et tous les skippers ont l’obligation de les suivre et de les détenir.
De plus, nous organisons des briefings, dont celui de la Marine nationale, qui vient expliquer les missions Search and Rescue [ndlr : recherche et sauvetage], leur déclenchement, comment ils vont fonctionner et les schémas qu’ils vont appliquer selon l’avarie et le degré d’urgence. C’est super intéressant, et l’échange entre les pilotes d’avions de sauvetage et les skippers est très utile. Nous faisons également parler des skippers qui ont vécu des naufrages ou des avaries lourdes. C’est du concret, un moment riche d’enseignements.
Prenez-vous aussi des contacts avec les centres de coordination des secours maritimes – MRCC – des zones traversées ?
Exactement. Nous contactons les MRCC de toutes les zones que nous traversons, y compris le CROSS Gris-Nez – correspondant français auprès des MRCC étrangers –, bien sûr, pour leur expliquer ce que nous allons faire et combien de bateaux participeront. Nous mettons à leur disposition une fiche qui reprend toutes les informations sécurité de chaque voilier. Elles sont très complètes, avec, par exemple, toutes les balises de détresse, leurs numéros, mais aussi ceux des radeaux de survie, les gilets, les spécificités du bateau, des informations sur notre tracker – un dispositif automatique de suivi –, s’il y a besoin de données plus à jour que celles du tracker public.
Par ailleurs, nous travaillons avec les Australiens, qui garantissent une action rapide et sûre jusqu’à une certaine distance de leurs côtes, définie en fonction des conditions météo de l’été austral. Elle est matérialisée par une ligne, au nord de laquelle les bateaux doivent rester. Nous disposons également d’un consultant sur la zone Australie, qui, en cas de problème, est l’intermédiaire avec les MRCC, dont il connaît la culture et la manière de procéder.
Comment se déroulent le départ et les arrivées aux Sables-d’Olonne ?
Un gros travail préalable est réalisé avec la préfecture maritime, portant sur la chronologie du départ, qui fait quoi, l’organisation des bateaux, les différentes zones de sécurité… Il y a un corridor d’accès, un zonage de sécurité précis à faire appliquer. De plus, des zones pour les navires à passagers, pour les navires de moins de 8 mètres et pour la plaisance de manière générale sont déterminées.
Bien sûr, on définit aussi des schémas en cas de mauvais temps, de dégradation, voire de report du départ si besoin est. Ils sont travaillés en interne pour pouvoir les déclencher à J-8.
Également, tout un dispositif est mis en place avec les hélicoptères et en matière de communication ; tout cela doit être coordonné pour assurer à la fois la sécurité de tout le monde et un beau départ.
Il existe aussi un dispositif pour les arrivées. Nous avons une flottille de semi-rigides, plus réduite que pour le départ.
Comment le poste de commandement – ou PC course –, chargé de suivre les candidats en permanence, fonctionne-t-il ?
Jusqu’à maintenant, nous étions quatre à la direction de course ; mais, cette année, nous serons cinq, avec une présence 24 heures sur 24 et toujours deux durant la journée. Nous allons fonctionner avec des quarts qui se chevauchent de près d’une heure pour faire une transmission d’informations, le suivi, la passation. Les autres se reposent et nous faisons les trois-huit. Il y a un logbook – ou journal de bord –, qui centralise le suivi de ce qu’il s’est passé, mais l’interaction entre deux personnes est importante, sinon, il n’y a pas de lien.
Propos recueillis par Dominique Malécot.