Le soleil se couche sur la pointe du Castelli et ses saillies rocheuses, en ce samedi 11 mai. Installés à son extrémité dans le spectaculaire sémaphore de Piriac-sur-Mer (Loire-Atlantique), des militaires ont les yeux rivés sur les eaux de la rade du Croisic. Voilà de longs moments qu’une bouée de plongée est immobilisée, sans qu’ils n’aperçoivent le moindre plongeur aux alentours. Ils décident d’alerter le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) Étel, qui coordonne les opérations de secours en mer sur la façade atlantique.
« On sait que les bouées perdues entraînent souvent de fausses alertes, indique Gaëlig Batail, directeur adjoint du CROSS Étel. Mais une situation pareille peut vouloir dire qu’il y a une personne en difficulté. Nous nous devons de lever le doute. » Les opérateurs du CROSS contactent alors la station SNSM de La Turballe, la plus proche des lieux.
Cinq bénévoles embarquent en quelques minutes sur le semi-rigide SNS 737 P’tit Yaume. Ils trouvent la bouée, qu’ils remontent à bord. Heureusement, aucun plongeur en détresse n’y est attaché. En revanche, « un poids était suspendu à la bouée, c’est pour cela qu’elle ne bougeait pas, indique Yvann Blanchet, patron du SNS 737. On a aussi trouvé une pochette étanche, contenant une clef de voiture et une montre. Là, on a eu un gros doute. On s’est dit qu’il y avait peut-être vraiment quelqu’un en difficulté quelque part. »
Sur la bouée : des clefs et une montre
Problème : la bouée ne comporte ni nom ni numéro de téléphone. Aucun marquage. « Cette découverte est un élément d’inquiétude en plus, note Gaëlig Batail. On ne peut contacter personne pour vérifier s’il y a potentiellement quelqu’un en danger ou non. Et on ne laisse normalement pas partir ses clefs de voiture comme ça… »
Le CROSS diffuse un message aux embarcations alentour pour qu’elles cherchent un éventuel plongeur ayant besoin d’aide. Et déclenche d’importants moyens de secours : l’hélicoptère Dragon 56 de la Sécurité civile, le SNS 737 et la vedette SNS 254 Garlahy de la station de La Turballe. Une patrouille de pompiers et une de gendarmes sont aussi envoyées le long du littoral pour vérifier que l’individu ne s’est pas réfugié sur la côte. En tout, ce sont près de 20 personnes qui sont mobilisées.
Les heures passent et la nuit tombe. « Un facteur de risque supplémentaire pour les équipes de recherche », souligne le directeur adjoint du CROSS Étel. Toujours aucune trace d’un quelconque plongeur en perdition. « La nuit, chercher une tête qui dépasse de l’eau à la lumière des projecteurs, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin », explique Yvann Blanchet. En l’absence de nouveaux indices et sans appel pour signaler un disparu, décision est prise d’arrêter l’intervention.
« Notre boulot, c’est de rechercher des gens vivants »
Mais les secours n’ont pas dit leur dernier mot. Le lendemain matin, une fois le soleil levé, l’hélicoptère de la compagnie de gendarmerie de Saint-Nazaire décolle. D’un côté, la mer, de l’autre, les fameux marais salants de Guérande. « Notre boulot, c’est de rechercher des gens vivants, lance Gaëlig Batail. Vu les conditions météo, un plongeur en combinaison a très bien pu survivre à une nuit passée dans l’eau ou sur un rocher. Nous devons continuer les recherches. » L’appareil sillonne la côte. Malgré plusieurs heures de va-et-vient, rien. Les recherches sont arrêtées définitivement, même si le doute subsiste.
Devant l’ampleur des moyens déployés, des médias locaux se sont fait l’écho des recherches. Plusieurs articles ont été publiés et les radios locales ont donné l’alerte. « C’est ce qui nous permettra de lever les doutes, explique Gaëlig Batail. Dimanche, vers 19 heures, le propriétaire de la bouée a appelé après avoir lu un article sur l’opération le concernant. Il a expliqué que sa bouée lui avait échappé et qu’il était rentré chez lui sans le signaler au CROSS. »
Une omission qui a eu d’importantes conséquences : « Onze bénévoles mobilisés tout un samedi soir et une partie de la nuit pour rien, lâche Yvann Blanchet. Mais ça fait partie du jeu, on le sait. »
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