Les images que vous allez voir ne sont que des esquisses de la future flotte de la SNSM. Avant que les premiers navires ne sortent du chantier, d’ici fin 2020 si tout va bien, les plans vont être affinés en liaison avec ceux qui vont être choisis pour les construire. L’équipe qui a dessiné ces esquisses, emmenée par l’architecte Frédéric Neuman, était chargée de redéfinir une gamme cohérente de bateaux, du plus grand au plus petit, ainsi que leurs caractéristiques générales et leurs grandes lignes.
Un bateau est toujours un compromis entre un grand nombre d’attentes et de contraintes. Avant de choisir les architectes, la SNSM avait conduit un long travail de réflexion, en équipe, pour mettre noir sur blanc ses exigences : remplir au mieux la mission – sauver des vies sans mettre en danger l’équipage –, et dépenser ce qui est strictement nécessaire, mais pas plus (si on peut faire avec un bateau de 10 mètres, il ne faut surtout pas investir dans un bateau de 15 mètres).
Le désormais célèbre et quelque peu mystérieux GT5 (groupe de travail numéro 5) ne s’est pas arrêté après avoir écrit le cahier des charges. Il a accompagné toute la démarche des architectes qui sont venus six fois travailler pendant un ou deux jours avec tous ces représentants des futurs utilisateurs. Nous avons pu assister à la dernière de ces rencontres.
Orange ou jaune ?
Au cours de ces six mois, beaucoup d’idées ont été retenues et affinées en commun. Certaines exigences ont été précisées. Certaines idées bien que prometteuses n’ont pu être validées. Par exemple, des moteurs électriques auraient été plus légers à manipuler pour les annexes. Mais ils ne sont pas assez puissants pour le moment.
Certains choix soulèvent beaucoup plus de questions qu’on ne pourrait l’imaginer. Jaunes ou pas jaunes, les futurs bateaux ?
Pour Didier Moreau, directeur du pôle de formation de Saint-Nazaire, de jour, par « mer blanche » (quand le vent soulève beaucoup d’écume) on voit beaucoup mieux l’orange (couleur actuelle des superstructures) que le jaune. Gérard Rivoal, chef du service soutien technique et logistique et chef d’orchestre de toutes ces réflexions, fait valoir quant à lui que les services d’urgence évoluent plutôt vers le jaune et même plus précisément vers le RAL 1016, retenu par un comité de normalisation européen comme la couleur à laquelle réagit le plus l’œil humain. Elle s’avère également moins sensible aux UV et donc plus économique à l’usage.
Les Sauveteurs en Mer doivent aussi valoriser leur image auprès du public. Peut-on avoir deux couleurs selon l’âge des bateaux, ou peut-on repeindre toute la flotte en jaune ? Cette dernière considération l’emportera sans doute. Le Président, Xavier de la Gorce, est quant à lui favorable à l’orange…
Une gamme de navires cohérente
C’est une des ambitions importantes du programme de réflexion et d’études des Sauveteurs en Mer sur leur flotte future : avoir une gamme cohérente et simplifiée – pas de modèles trop voisins, pas de doublons. Selon la situation, le CROSS, qui centralise les alertes et l’organisation du sauvetage, fera appel au grand navire de la station « X » ou au petit semi-rigide rapide de la station « Y » proche. Parfois aux deux parce qu’ils sont complémentaires.
L’actuelle « gamme », très hétérogène, héritée de l’histoire des trente dernières années, va des grands canots tous temps jusqu’aux VNM (scooter des mers) en passant par les vedettes de première classe, de deuxième classe, elles-mêmes de diverses tailles, etc. En tout presque une vingtaine de modèles différents. Dans la future flotte, il y aura deux familles. Celle des navires de sauvetage hauturiers (NHS) correspond aux plus grands. Ils doivent pouvoir rester en haute mer dans des conditions météorologiques très dégradées malgré leurs faibles dimensions. Ils seront évidemment insubmersibles et autoredressables, comme leurs prédécesseurs, au cas où une
vague les coucherait ou les retournerait. Ils doivent pouvoir aller jusqu’à 20 milles des côtes, exceptionnellement 50 milles, sans se laisser trop ralentir par les grosses mers. D’après leurs calculs en bassin de carène numérique, les architectes espèrent qu’ils pourront encore marcher à plus de 15 nœuds par mer 7 avec des vagues de 6 à 9 mètres ! Pour cela les plus grands NSH1 auront besoin de deux moteurs de plus de 700 ch et de deux réservoirs de 1 700 litres. Commence ensuite la flotte des navires de sauvetage côtier (NSC). Plus petits que les NSH, plus rapides aussi par temps maniable (30 à 35 nœuds), ils iront moins loin. Mais ils sont tout aussi indispensables que les autres, car une grande partie des interventions de sauvetage ont lieu par temps maniable et près des côtes. De plus, ils peuvent se loger dans des ports et abris où des navires hauturiers ne trouveraient pas leur place. Le NSC1, de près de 12 mètres hors tout, est un vrai petit navire de sauvetage avec une timonerie permettant d’abriter sauveteurs et naufragés, qui ira plus vite que les gros par beau temps, jusqu’à 30 nœuds.
Le NSC2, avec timonerie modulable (comme sur l’image) ou sans timonerie, sera plus long que les plus grands semi-rigides actuels, pour aller jusqu’à une dizaine de milles au large. Boudins dégonflés, il sera déplaçable d’une station à l’autre par remorque routière simple, en fonction des besoins saisonniers par exemple. Ne figurant pas sur l’image ci-dessous, le NSC3 est un semi-rigide d’environ 6 mètres « projetable », c’est-à-dire qu’une remorque attelée à un 4 X 4 peut le mettre à l’eau sur une cale, une plage ou toute autre zone non aménagée proche de la zone de sauvetage. Le NSC4, plutôt destiné aux postes de plage, devrait idéalement pouvoir remplir les missions des VNM (scooters des mers) et des petits IRB, pneumatiques légers à deux équipiers, faciles à transporter et qui passent dans les brisants. Pas sûr que ce mouton à cinq pattes existe à un prix raisonnable…
Le numéro d’identification figurant sur les coques des esquisses est fantaisiste. C’est le millésime 2017, début des études d’architecture. Dans la flotte actuelle, l’identifiant des canots tous temps commence par 0, celui des vedettes de première classe par un, et ainsi de suite… Pour l’avenir, Gérard Rivoal préférerait qu’on reparte sur une numérotation différente pour éviter la confusion avec les navires actuels.
Pourquoi ces nouvelles lignes ?
La silhouette des nouveaux bateaux des Sauveteurs en Mer (ci-dessus le NSH1) change. Ce n’est pas pour faire joli ni pour être à la mode, mais pour qu’ils soient encore plus efficaces, en tenant compte de l’expérience accumulée avec les générations de bateaux précédentes. Et pour que la sécurité des sauveteurs et des personnes secourues soit encore améliorée. C’est l’objectif premier.
Caractéristique essentielle, la « plage arrière », autrement dit la partie arrière du pont, est vaste, dégagée de superstructures autant que possible et nettement plus basse sur l’eau que l’avant et que celle des canots actuels (1 mètre au-dessus de l’eau). C’est un endroit stratégique. Doivent s’y dérouler commodément, sans obstacle, le plus à l’abri possible de la mer et du vent, les récupérations et manipulations de victimes, notamment celles qui sont allongées sur une civière (ou « plan dur » ou « barquette »), mais aussi les hélitreuillages et les manœuvres nécessaires au remorquage des bateaux en détresse. Les deux superstructures grises qui demeurent sur les côtés correspondent à l’aération de la cale moteur, plus des rangements.
On ne voit plus de potences comme celles qui permettent de gruter hors de l’eau victimes ou civières sur certaines des embarcations actuelles. À l’usage, la plupart des sauveurs n’en sont pas satisfaits et estiment qu’elles deviennent dangereuses au-delà de mer 2. À la place a été retenu un système innovant inspiré des nouveaux bateaux des sauveteurs néerlandais. C’est « l’écope », cette grande marche, basculée au ras de l’eau, sur laquelle on voit, allongée, une victime qui n’est pas en état de monter seule à bord du navire. Les deux nageurs de bord (ou plongeurs) qui l’ont récupérée vont pouvoir se servir aussi de l’écope pour remonter eux-mêmes à bord. Les canotiers restés à bord vont pouvoir atteindre la victime sur l’écope (qui remontera avec des vérins) et la passer sur la plage arrière, sans quitter la sécurité offerte par le navire. Quand le navire se déplace, l’écope en caillebotis est basculée en position verticale et interdit ainsi à un équipier de glisser à la mer sans empêcher l’eau de s’écouler, s’il y en a sur le pont.
La timonerie est l’abri fermé et vitré où se tient, entre autres, le « timonier », c’est-à-dire le barreur qui conduit l’embarcation, mais où s’abritent aussi sauveteurs et victimes pendant les trajets. Elle a été avancée au maximum pour dégager l’arrière. C’est une des raisons pour lesquelles on revient au pare-brise « inversé ». Cette timonerie doit être assez volumineuse pour accueillir tout le monde, mais aussi pour assurer que le navire se redresse s’il est couché ou retourné. Elle devient dans ces cas-là un volume de flottabilité ! Les curieuses arêtes que l’on aperçoit sur les côtés ou sur le toit ne sont pas des réminiscences de design automobile. Elles sont destinées à augmenter ce volume. Le pont étant plus bas sur l’eau, il est protégé des vagues par des « pavois » pleins (qui prolongent la coque au-dessus du pont) alors que dans les générations de canots précédentes les ponts, plus hauts sur l’eau, sont seulement entourés d’un système de mains courantes pour prévenir les chutes à la mer. On voit aussi sur ces reproductions que les coques seront beaucoup plus défendues sur les côtés et à l’avant par d’épais boudins, défenses ou « bourlingues » qui amortissent les chocs, notamment quand les navires de sauvetage doivent accoster un autre bateau dans la houle pour débarquer des secours ou embarquer des naufragés.
Sous l’eau, « la carène » est un compromis plutôt classique, tirant parti des enseignements des vedettes de la classe Shannon de la RNLI (les sauveteurs en mer britanniques).
Un intérieur bien rempli
La timonerie posée sur le pont est le lieu de vie principal de l’équipage et des personnes secourues. Modulable, elle permet d’accueillir dans la partie arrière des personnes allongées. Vitrée de tous côtés elle assure une grande visibilité au barreur, au patron et au navigateur radio positionnés à l’avant. L’équipage descend dans le poste avant surtout pour se changer et s’équiper. On aperçoit le placard à cirés mouillés entre le poste et le puits à chaîne du mouillage. Exceptionnellement, les couchettes permettent un moment de repos en cas de longue intervention, voire d’asseoir ou d’allonger de trop nombreux naufragés.
Sous la plage arrière, sous des panneaux qui peuvent s’ouvrir, on aperçoit le logement de l’annexe pneumatique qui, une fois complètement gonflée et équipée de son moteur, peut glisser directement à l’eau. Sous la timonerie, le compartiment moteur, jamais assez grand au goût des mécanos qui sont obligés de se contorsionner pour intervenir. Les réservoirs (en rouge) sont au milieu du bateau pour centrer les poids, les « baies » électriques et électroniques sont en bleu, le plus accessibles possible en cas de panne, d’alarme ou de changement de composant.
Les toilettes sont masquées par l’escalier, mais elles sont là et on espère qu’elles ne seront plus transformées en placard à cirés – prévus désormais dans le plan de base – ou en espace de stockage, alors que les femmes deviennent de plus en plus nombreuses parmi les équipages.
Les différents compartiments sont séparés par des cloisons étanches qui doivent permettre au bateau de continuer à flotter même si deux compartiments contigus sont envahis par l’eau. Ceci permet d’abandonner le doublage des coques en mousse qui faisait perdre beaucoup de place à l’intérieur, notamment dans les compartiments moteurs.
Des bateaux conçus en commun
À priori, la situation semble ingérable, ce 13 mars. Une vingtaine de membres du groupe de travail numéro 5 s’entassent joyeusement dans la petite salle de réunion du siège national de la SNSM pour discuter passionnément, pour la sixième et dernière fois, des esquisses de la future flotte avec les architectes qui les ont conçues : Frédéric Neuman et Christophe Barreau, épaulés par l’ingénieure Lauranne Maisonneuve, ainsi que par le cabinet d’engineering ARCO marine. Miracle de la technologie, deux grands écrans permettent à tout le monde de voir les plans dont on parle. Les architectes peuvent, à partir de leur ordinateur, sélectionner un des modèles de la gamme représentés en trois dimensions, le faire tourner pour que tout le monde voie bien l’endroit dont il est question, voire modifier une caractéristique en direct. Où va-t-on ranger les motopompes, et les cirés, et le matériel médical, et celui des plongeurs, et les civières, etc. ? Etc. ? Miracle du leadership, Gérard Rivoal, qui anime toutes ces réflexions depuis le début, arrive, sans jamais élever la voix, à ce que tout le monde s’écoute, ou presque, et à ce que la réunion ne dégénère pas trop en de multiples apartés.
Le groupe de travail numéro 5 rassemble des représentants des stations qui vont être utilisatrices des grands navires et des nageurs sauveteurs qui embarqueront sur les plus petits, de la directiontechnique et de son Pôle de soutien de la flotte installé à Saint-Malo qui vont les commander et les entretenir, du Pôle national de formation de
Saint-Nazaire et des représentants des centres de formation et d’intervention (CFI) qui forment les futurs sauveteurs. On retrouve quelques piliers du groupe : Yves Prigent, patron à l’Aber Wrac’h ; Yoan Sanson, patron de Goury ; Hubert Jair, président de La Turballe ; Yves Gennequin, président honoraire du Lavandou-Bormes ; Joël
Congal, président des Sables-d’Olonne ; Yves Thomas, ancien patron de Saint-Malo. D’autres y sont passés ou arrivés plus récemment. Tous ont été encouragés à expliquer le projet dans d’autres stations et CFI, et à faire remonter les remarques. Bien qu’on en soit à la dernière réunion et que l’essentiel des décisions ait été pris, on ne peut s’empêcher de revenir sur certains points, comme dans tous les groupes de ce genre.
Le pont des nouveaux navires sera plus bas, surtout à l’arrière, pour faciliter mises à l’eau, remontées à bord et récupération des victimes. C’est le cœur du nouveau concept. On en attend beaucoup. Mais du coup les pavois rendus nécessaires pour protéger l’équipage contre les vagues ne vont-ils pas empêcher l’eau de s’écouler si une vague éclate sur le pont ? En fait, le pont est en pente vers l’arrière et rien ou presque n’arrête l’écoulement de l’eau à l’arrière. De plus, trois importantes ouvertures (des dalots) sont prévues de chaque côté. Le célèbre calcul de la baignoire qui se vide a été fait et refait. Il faudrait six secondes pour que le pont, plein à ras bord de l’avant à l’arrière, situation difficilement imaginable, se vide. Une à deux secondes dans le cas réaliste de la vague qui s’écrase sur l’avant.
L’abri posé sur le pont, la timonerie, est avancé au maximum pour laisser une importante plage arrière pour manœuvrer. Du coup l’équipage ne va-t-il pas être soumis à des mouvements trop violents quand le navire fonce dans les vagues ? Des calculs détaillés ont été réalisés. Les fauteuils montés sur amortisseurs doivent permettre d’encaisser les « accélérations verticales ».
Le logement d’annexe sous la plage arrière, où les architectes ont prévu d’abriter une embarcation pneumatique très rapidement gonflable grâce à une prise dans le coffre, avec ou sans moteur à poste, cristallise encore une sorte d’inépuisable débat entre anciens et modernes. Une annexe sert surtout à aller du quai au bateau quand celui-ci est au mouillage. Certaines stations dont le bateau est amarré à quai ne s’en servent jamais. D’autres ont l’habitude de l’utiliser aussi en opération pour aller passer une remorque à un bateau, transférer des naufragés, s’approcher d’une zone de petits fonds, etc.
Très axées sur la sécurité des équipages, les réflexions sur les nouveaux bateaux ont été plutôt sous-tendues par l’idée qu’en dehors des nageurs et plongeurs de
bord, les sauveteurs doivent quitter le moins possible leur bateau. Les grosses défenses doivent permettre d’aborder directement les embarcations secourues. Les faibles tirants d’eau doivent permettre de s’approcher des petits fonds. Le NSH1 équipé de jets devrait avoir un tirant d’eau limité à 0,85 m contre 1,40 m pour la dernière génération de canots tous temps. Les fragiles annexes devraient donc être moins utilisées en opération. Quand elles ont les moyens en hommes et en financement, certaines stations répondent à la question en se dotant comme deuxième embarcation un grand pneumatique semi-rigide rapide qui peut intervenir, dans les cas difficiles, en complément du navire principal. En fait chaque zone du littoral a ses particularités dont découlent des différences de doctrine entre stations.
Quand le groupe examine, par exemple, le compartiment le plus à l’avant, celui où se range la chaîne de mouillage éventuellement allongée par un câble textile, on entend bien les différences entre les stations qui ne mouilleraient leur ancre qu’en cas d’urgence (moteur en panne près des rochers) et celles qui l’utilisent couramment pour manœuvrer. Par exemple celles qui mouillent au vent d’un bateau échoué pour lui laisser filer une remorque et commencer à tirer pour le dégager. Ces différences ont été prises en compte.
Même diversité logique des besoins quand on parle de l’importance de la consommation électrique et de l’opportunité d’avoir, ou pas, un groupe électrogène en plus des alternateurs attelés aux moteurs. Ceux dont le bateau reste au mouillage et pas amarré à quai préfèrent disposer d’un groupe électrogène. Ceux qui doivent sortir en urgence l’été, dans le Sud, dans une cabine surchauffée par le soleil, ont besoin d’une climatisation qui consomme de l’électricité. La liste semble infinie : les canots amarrés côté au quai ou « cul » au quai, les équipages qui préfèrent le poste extérieur à bâbord ou à tribord…
La SNSM c’est une flotte, mais aussi deux cent dix-huit stations de sauvetage et trente-deux CFI qui ont chacun une forte personnalité. Tous leurs besoins et arguments ont été patiemment discutés et intégrés dans le programme.
Hélice ou jet ?
La flotte actuelle de la SNSM est essentiellement propulsée par des hélices. Cependant, la réflexion sur la nouvelle génération a relancé l’idée d’utiliser plus largement des jets (une sorte de tube qui crache sous l’eau un jet d’eau sous pression, ce qui fait avancer, tourner ou reculer le bateau selon l’orientation du jet). Plusieurs flottes des sociétés de sauvetage européennes en sont équipées.
Avantages : moins de risques pour les plongeurs ou victimes à l’eau autour du bateau, surtout sur l’arrière ; moins de risques d’abîmer une hélice en touchant dans les petits fonds (le Pôle de soutien de la flotte stocke un nombre impressionnant d’hélices à changer) ; et surtout une maniabilité stupéfiante du navire quand il faut s’approcher d’un autre bateau, d’un rocher, d’une victime, ou tenir sa trajectoire par mer de l’arrière pour rentrer au port…
Restent des questions dont la réponse est susceptible d’évoluer avec les progrès des jets : risques de manque de poussée au remorquage, et entretien très exigeant si on ne veut pas perdre en puissance. Il faut que la coque et les jets soient bien propres. Conclusion : les nouveaux bateaux sont conçus pour que la coque puisse être propulsée par des hélices ou par des jets, au choix des stations.
De la conception à la mise à l’eau
Ce sera en principe un premier NSH1 pour L’Herbaudière (Noirmoutier), d’ici 2020, peut-être un NSH1 ou 2 pour Ouessant ou Trévignon Concarneau, un NSC1 pour Courseulles. Avant qu’une station ne célèbre la bénédiction d’un premier navire de sauvetage issu de cette nouvelle gamme, il faudra encore franchir de nombreuses étapes.
La direction technique de la SNSM a lancé un appel à candidatures pour sélectionner le maître d’oeuvre d’ensemble, autrement dit l’industriel qui va se faire fort de produire tous ces bateaux à des prix et dans des délais acceptables, fixés à l’avance, pour tout le « catalogue ». La SNSM les lui en commandera au gré de ses besoins et possibilités.
Ce sera au maître d’œuvre retenu d’affiner encore les plans en tenant compte de ses contraintes de construction. Il devra aussi répondre à celles que lui imposera la direction technique de la SNSM et le GT5, qui va continuer son travail d’accompagnement sous forme d’"équipe projet". Notamment pour que les bateaux aient une durée de vie plus longue que les trente ans sur lesquels on raisonne pour les unités actuelles, et aussi pour qu’ils puissent évoluer en fonction des inévitables progrès techniques (changements de type de motorisation, nouveaux équipements).
On raisonne désormais en « coût global de possession » sur la durée de vie du navire. La SNSM voudrait aussi que moteurs et matériel électronique soient suffisamment standardisés pour qu’on puisse stocker des rechanges et pour qu’ils puissent être bien suivis par une GMAO (maintenance assistée par ordinateur) qui se met en place à la SNSM. Elle veut également que les équipements soient facilement accessibles en entretien (coupe-circuits regroupés, baies électroniques accessibles…)
Quand va-t-elle en commander, justement? Quel est le planning ? Question compliquée. Les Sauveteurs en Mer ne disposent pas de la visibilité financière suffisante pour pouvoir s’engager fermement sur un programme d’investissement pluriannuel qui reste toujours quelque peu indicatif. À titre indicatif, le prix d’un navire hauturier s’élève rapidement à plus d’un million d’euros.
Pour financer un nouveau navire de sauvetage, on compte en général sur quatre sources de financement : la cagnotte de la station elle-même, qui a réussi à mettre de côté de l’argent venant des donateurs petits ou gros et des multiples actions de collecte locale ; le siège national de la SNSM qui bénéficie un peu, encore trop peu, d’argent de l’État et surtout de celui d’une partie des 100 000 donateurs que compte la SNSM et de quelques grands partenaires privés ; les collectivités locales enfin, départements et régions essentiellement .
Il faut que toutes ces fées soient penchées en même temps sur le berceau. En plus, il faut que la SNSM puisse assurer le préfinancement de la construction, ce qu’elle fait grâce aux dons et au regroupement des trésoreries de toutes les stations dans un « pool » national.
On comprend donc qu’au moment où il faudra choisir le nom du premier navire de la nouvelle gamme, une infinité d’autres questions auront trouvé leur solution.
Article de Jean-Claude Hazera publié dans Sauvetage numéro 144 2ème trimestre 2018.