Nos nouveaux bateaux

Voici les nouveaux bateaux, plus effi­caces et plus sûrs, que vous rendez concrets grâce à votre soutien. Ils commencent à arri­ver… tout douce­ment. Faisons un premier tour du proprié­taire.

© Stéphane Lagoutte - MYOP

Mi-novembre 2021, à Gujan-Mestras, au bord du bassin d’Ar­ca­chon, la tête de série du NSH1 – navire hautu­rier de première classe – mise à l’eau pour la première fois depuis son essai de retour­ne­ment du mois d’août, subit des retards de mise au point impor­tants. Ils sont liés d’une part à la pandé­mie de Covid-19 et aux diffi­cul­tés d’ap­pro­vi­sion­ne­ment qui en ont découlé, mais égale­ment à des problèmes de concep­tion, qui en font un navire plus lourd que ce qu’es­comp­tait initia­le­ment le chan­tier Couach.

Cet alour­dis­se­ment péna­lise, bien entendu, les perfor­mances atten­dues par la SNSM, qui n’a pas pu accep­ter le NSH1–01 en l’état. S’en­gagent alors des discus­sions avec le chan­tier pour qu’il iden­ti­fie les raisons de ce surpoids imprévu et déci­der des actions ponc­tuelles qui permet­tront d’al­lé­ger la tête de série, ainsi que des nouvelles moda­li­tés de concep­tion et construc­tion d’une nouvelle tête de série et de la série. Le chan­tier Couach, maître d’œuvre unique du programme, est aujour­d’hui tota­le­ment mobi­lisé pour résoudre les compli­ca­tions rencon­trées et livrer, dans les prochains mois, un navire qui réponde aux exigences de perfor­mances prévues au cahier des charges.

En consé­quence, la SNSM a dû repor­ter les commandes des unités suivantes et s’at­tend à des retards de livrai­son de la tête de série du NSH2 – le navire hautu­rier de type 2 – et du NSC1 – le navire côtier de type 1. Les unités qui suivent – le NSC2, le NSC3 et le NSC4 – sont, pour leur part, en phase de récep­tion par la SNSM.

Ces décon­ve­nues et ces reports ne remettent bien sûr pas en ques­tion la capa­cité du chan­tier Couach à lancer l’in­dus­tria­li­sa­tion prochaine des diffé­rentes unités de la nouvelle gamme de bateaux, qui seront produites à un rythme soutenu une fois les têtes de série récep­tion­nées.

Un gros semi-rigide très novateur
Les sauve­teurs auront plus de confort à l’abri de la timo­ne­rie du NSC2, gros semi-rigide très nova­teur © Stéphane Lagoutte – MYOP

Le début d’un grand programme d’in­ves­tis­se­ment

Le NSH1 que l’on remet­tait à l’eau ce jour-là est donc le premier à plusieurs titres. Navire « tête de série », c’est aussi le plus grand des bateaux de la gamme : NSH1, NSH2, NSC1, NSC2… jusqu’à NSC4 pour les petits IRB (infla­table rescue boats), utili­sés par les nageurs sauve­teurs sur les plages. Ce sont tous les modèles qui vont rempla­cer progres­si­ve­ment, au cours des années qui viennent, les bateaux de sauve­tage vieillis­sants.

Ils ont l’air frin­gants pour­tant, les canots des géné­ra­tions précé­dentes. Ils sauvent des vies. Leurs équi­pages, soute­nus par la direc­tion tech­nique de la SNSM, les bichonnent et y sont très atta­chés. Mais, parfois, la réalité nous rappelle que les plus grands, les CTT – ou canots tous temps –, vont sur leurs 30 ans, leur âge limite théo­rique, voire les ont dépas­sés. Après une certaine ancien­neté, les fatigues et les faiblesses d’un bateau qui subit des condi­tions extrêmes et des répa­ra­tions succes­sives deviennent diffi­ciles à déce­ler. C’est ainsi que l’im­pres­sion­nant bitton, qui permet de fixer la remorque au bateau, a cédé derniè­re­ment sur un CTT. Heureu­se­ment, les consignes étaient respec­tées : personne près d’une remorque en trac­tion.

Finan­ciè­re­ment, c’est un inves­tis­se­ment consi­dé­rable : envi­ron cent millions d’eu­ros sur dix ans. Le coût d’un seul de ces NSH1, variable selon les options, approche les deux millions d’eu­ros. Le budget d’in­ves­tis­se­ment annuel moyen, qui était de cinq à six millions d’eu­ros, passe à une moyenne de vingt millions dans les prochaines années. Heureu­se­ment, les bonnes fées sont là. Plus que jamais. Aucun de ces bateaux ne pour­rait voir le jour sans les subven­tions des collec­ti­vi­tés locales concer­nées : les régions et les dépar­te­ments, et souvent les communes.

Le complé­ment des dona­teurs privés est abso­lu­ment déter­mi­nant. Des entre­prises parfois. Vous, dona­teurs indi­vi­duels, toujours. Et ce par divers canaux : la cagnotte consti­tuée par la station à partir des dons recueillis loca­le­ment, mais aussi les dons versés au siège de la SNSM ; sans oublier les legs, parfois très géné­reux, consen­tis par des personnes qui ont voulu choi­sir à quoi servi­rait tout ou partie de leurs biens ou patri­moine quand ils ne seraient plus là, sans pour autant déshé­ri­ter leurs enfants ou proches, grâce aux avan­tages fiscaux propo­sés par l’État. C’est ainsi que le premier NSH1 va deve­nir le canot de la station de L’Her­bau­dière, sous le nom de Gustave Gendron, ancien patron. Celui de Simone Anita, en mémoire de la géné­ro­sité de cette dona­trice, sera égale­ment apposé sur la coque.

Le futur NSH1 de la station
Le futur NSH1 de la station de L’Her­bau­dière porte deux noms, celui de l’an­cien patron et celui de Simone Anita, dont le legs a contri­bué au projet © Stéphane Lagoutte – MYOP

En amont de ce programme, les réflexions ont été intenses, s’éta­lant sur plusieurs années : quels bateaux pour quels usages ? (voir dans le maga­zine Sauve­tage les dossiers des numé­ros 139 en 2017 et 144 en 2018). Avant le choix des archi­tectes et qu’ils ne commencent à dessi­ner, les sauve­teurs ont exprimé ce qui était bien et ce qui l’était moins dans la flotte exis­tante. C’est pourquoi les coques des nouveaux navires doivent leur assu­rer un meilleur compor­te­ment par grosse mer de l’ar­rière et pas seule­ment par grosse mer de l’avant.

Et c’est ainsi que, pour remon­ter une victime sur un « plan dur » ou une civière flot­tante à bord, on verra dispa­raître progres­si­ve­ment les potences de grutage au profit d’une plage arrière basse sur l’eau, équi­pée d’une écope, un plan ajouré qui descend légè­re­ment sous l’eau et remonte au niveau du pont grâce à des vérins hydrau­liques. Les archi­tectes et des sauve­teurs sont allés obser­ver ce qui se faisait dans les pays voisins, notam­ment aux Pays-Bas. De même, d’autres orga­ni­sa­tions de sauve­tage s’in­té­ressent déjà aux nouveaux navires des sauve­teurs français. Un équi­valent du NSH1 a d’ailleurs été commandé au chan­tier Couach par un pays scan­di­nave.

Les grandes lignes de cette nouvelle flotte ont été dessi­nées par les archi­tectes navals Frédé­ric Neuman et Chris­tophe Barreau. Par la suite, la concer­ta­tion a conti­nué avec les sauve­teurs de terrain sur la mise au point des bateaux jusque dans les moindres détails, comme l’er­go­no­mie de la timo­ne­rie et des diffé­rents postes de pilo­tage. Quelles grandes lignes rete­nir de cette accu­mu­la­tion de détails et de réflexions qui font une nouvelle gamme de bateaux ?

Nouveaux navires pour nouveaux sauve­teurs

Nous vous le disons souvent : la popu­la­tion des Sauve­teurs en Mer béné­voles change. Dans certains ports où la pêche reste active, le canot de sauve­tage est comme un prolon­ge­ment de l’ou­til de tous les jours. Mêmes marins, mêmes réflexes, même résis­tance à des condi­tions de travail souvent très dures. Dans l’équi­page, on trouve un, voire plusieurs méca­nos marine profes­sion­nels pour assu­rer l’en­tre­tien. Mais, dans bien des stations, ce schéma n’est plus qu’un souve­nir.

À Trébeur­den, station dont nous esquis­sions le portrait dans le dernier numéro du maga­zine Sauve­tage, le patron Chris­tophe Ooghe est direc­teur de l’école de voile et le président Rudy Coulon vend des voitures (cf. n° 158 – p 34–35). Dans d’autres stations, les sauve­teurs et sauve­teuses d’aujour­d’hui sont ensei­gnants, restau­ra­teurs, arti­sans, plai­san­ciers, jeunes retrai­tés de toutes les profes­sions. Vous en ferez peut-être partie un jour ! Quelles consé­quences sur la nouvelle flotte ? Les béné­voles dispo­nibles à toute heure du jour et de la nuit et habi­tant suffi­sam­ment près du navire pour être à bord rapi­de­ment seront peut-être moins nombreux. Pour en tenir compte, chacun des bateaux de la nouvelle flotte pourra sortir avec un équi­page mini­mum un peu infé­rieur à ceux de leurs prédé­ces­seurs : six personnes pour un NSH1 contre huit pour un canot tous temps.

Pour les stations côtières, la gamme comprend de vrais petits bateaux de sauve­tage, qui peuvent être opérés par trois personnes pour le NSC2 et quatre pour le NSC1. Sans qu’ils soient plus douillets, les nouveaux sauve­teurs seront désor­mais mieux proté­gés des rudesses quoti­diennes de la mer. Le NSC2, gros semi-rigide très nova­teur, comprend une timo­ne­rie ouverte pour les mettre à l’abri du vent et des embruns, avec des sièges à amor­tis­seurs pour encais­ser les vagues. Les plus gros navires de la nouvelle flotte comportent enfin des toilettes en série et pas en option. Avant même leur confort, il faut penser plus que jamais à leur sécu­rité. Nous avons expliqué dans le précé­dent dossier du maga­zine Sauve­tage (n° 158 – p 25) que le souci de la sécu­rité des sauve­teurs a été primor­dial dans la concep­tion de cette nouvelle gamme. Les nouveaux sauve­teurs sont moins habi­tués que les profes­sion­nels à navi­guer avec de multiples cadrans et alarmes sous les yeux. L’élec­tro­nique, beau­coup plus présente à bord, devrait entraî­ner une simpli­fi­ca­tion des commandes et des contrôles rame­nés sur quelques écrans. Si rien ne clignote ou ne passe au rouge, c’est bon.

Sur les plus gros navires, la trans­mis­sion des données numé­riques va deve­nir une routine, permet­tant par exemple de commu­niquer des données médi­cales ou des photos d’une victime ou de rece­voir la route de recherche deman­dée par le CROSS qui coor­donne le sauve­tage à terre. Le système passera auto­ma­tique­ment du Wi-Fi à la 4G, voire la 5G, et à la commu­ni­ca­tion par satel­lite en fonc­tion de la loca­li­sa­tion du navire et de la qualité de récep­tion, cela sans inter­ven­tion de l’équi­page.

Les contrôles est ramené sur un seul écran
L’es­sen­tiel des contrôles est ramené sur un seul écran © SNSM

On ne va pas pour autant lâcher comme cela en pleine mer un insti­tu­teur ou une sage- femme qui n’ont pas d’ex­pé­rience mari­time préa­lable aux commandes de ces engins sans autre précau­tion ! Non, bien sûr.

L’autre gros inves­tis­se­ment de la SNSM, c’est la forma­tion. Et la grande nouveauté de la nouvelle flotte est que, en plus des autres forma­tions reçues, aucun équi­page ne navi­guera sur son nouveau moyen sans une double initia­tion. Le chan­tier Couach four­nira aux équi­piers les éléments néces­saires à la prise en main du moyen.

Cette première étape sera complé­tée par une forma­tion orga­ni­sée par le Pôle de forma­tion de la SNSM, à Saint-Nazaire, et par un parcours de quali­fi­ca­tions opéra­tion­nelles, qui vient d’être homo­lo­gué par un arrêté pris par la ministre de la Mer. Les quali­fi­ca­tions dispen­sées par la SNSM seront enre­gis­trées au Réper­toire natio­nal des certi­fi­ca­tions profes­sion­nelles (RNCP).

Évidem­ment, ces forma­tions seraient beau­coup moins faciles à orga­ni­ser si chaque station comman­dait un bateau diffé­rent en fonc­tion de ses desi­de­rata parti­cu­liers. C’est une des multiples raisons pour lesquelles cette nouvelle flotte se veut plus simple (moins de modèles que l’ac­tuelle) et plus homo­gène (pas cinq marques de moteurs sur un même modèle). D’autres consi­dé­ra­tions justi­fient cette simpli­fi­ca­tion.

 

© Jean-Claude Hazera

L’écope
Grande inno­va­tion, l 'écope, que l’on voit ici rele­vée à l’ar­rière du bateau, est une plate­forme ajou­rée comman­dée par un système hydrau­lique, qui peut se posi­tion­ner à l’ho­ri­zon­tale et descendre au niveau de l’eau pour accueillir victimes et sauve­teurs, puis les remon­ter au niveau du pont.

Les bour­lingues sont ces très épais boudins noirs en caou­tchouc dur qui cein­turent toute la coque. Ils protègent le bateau, mais surtout l’équi­page en permet­tant de s’ap­pro­cher d’un bateau en diffi­culté, plutôt que de mettre à l’eau un petit pneu­ma­tique annexe pour envoyer des sauve­teurs voir de plus près ce qu’il se passe.

© Jean-Claude Hazera

 

 

 

Ce rail, cein­tu­rant toute la timo­ne­rie, sert aux sauve­teurs pour se dépla­cer sur le pont le long du bateau sans décro­cher leur longe de sécu­rité.

 

 

 

© Stéphane Lagoutte – MYOP

La numé­ro­ta­tion change. Pour les curieux des détails et de l’iden­tité des bateaux. Dans la  flotte exis­tante, l’im­ma­tri­cu­la­tion des canots tous temps commence par zéro : SNS 069 pour l’ac­tuel canot de L’Her­bau­dière, SNS 004 pour le tout dernier de la série des CTT de nouvelle géné­ra­tion, arrivé à Saint-Tropez. Elle commence par 1 pour les vedettes de première classe, 2 pour celles de deuxième classe et ainsi de suite. Dans la future flotte, le nouveau NSH1 de L’Her­bau­dière est imma­tri­culé SNS17–01. 17 indique la longueur approxi­ma­tive et 01 le fait que c’est le premier de la série. Il y aura des SNS 17, SNS 15, SNS 12, SNS 9, SNS 6 et SNS 4.

 

© usafe­res­cue.com

Des bouées drones. Ces bouées télé­com­man­dées (U-Safe ou Dolphin), qui avancent et se dirigent grâce à une petite turbine dans chacune des deux « coques », pour­ront – si l’ex­pé­ri­men­ta­tion en cours est concluante – être envoyées aux victimes inac­ces­sibles depuis le navire de sauve­tage (rochers, pas assez de fond) ou appor­ter une remorque sans forcé­ment que les nageurs du bord soient obli­gés de se mettre à l’eau.

 

Mêmes dimen­sions. Les plus grands navires de la flotte ne dépas­se­ront pas les 17,50 m, comme les bateaux actuels. Ils peuvent ainsi accé­der à beau­coup de ports et recueillir, pour le plus grand, de l’ordre de soixante naufra­gés.

Même « livrée » conçue par Philippe Starck pour le grand NSH1 et le « petit » NSC2. La nouvelle flotte gomme de subtiles hiérar­chies. Sur accord préa­lable des stations, fini les coques vertes qui distin­guaient les plus grands canots tous temps des coques bleues des autres vedettes. Et plus d’ap­pel­la­tion « tous temps », qui pouvait donner l’illu­sion que les sauve­teurs échappent aux limites qui s’im­posent à tous les marins.

Des navires bien entre­te­nus pour durer plus long­temps

Quand la commis­sion de la flotte de la SNSM a tenu l’une de ses réunions à Gujan-Mestras fin 2021, elle en a profité pour visi­ter le chan­tier Couach et le premier NSH1 qui allait commen­cer sa longue série de mises au point et d’es­sais. Parmi les présents, on remarquait tout parti­cu­liè­re­ment Baptiste Fantin, direc­teur tech­nique de la SNSM, et Chris­tophe Desriac, chef du service du soutien de la flotte, qui a parti­cipé au programme depuis ses débuts. Ils exami­naient le bateau sous toutes les coutures à l’ex­té­rieur et, surtout, à l’in­té­rieur, fure­tant, passant la main et les yeux dans tous les recoins acces­sibles. Ils pensaient déjà à la manière dont leurs équipes allaient les entre­te­nir et les connaître dans les moindres détails. Impres­sion favo­rable, notam­ment pour la possi­bi­lité de se glis­ser autour des moteurs et de tous les équi­pe­ments dans la partie arrière.

L’am­bi­tion de la SNSM est que ces nouveaux bateaux restent perfor­mants et sûrs plus long­temps. Objec­tif : quarante ans au lieu de trente actuel­le­ment. L’as­so­cia­tion cherche moins à faire des écono­mies sur l’in­ves­tis­se­ment initial que sur le « coût total de posses­sion », ce qui suppose un entre­tien plei­ne­ment maîtrisé sur la base d’une connais­sance parfaite de chaque modèle dans ses moindres détails. C’est pourquoi Gérard Rivoal, direc­teur du programme nouvelle flotte, attache une atten­tion parti­cu­lière à l’un des aspects du contrat global avec Couach : la récu­pé­ra­tion de tous les dossiers tech­niques détaillés de chaque bateau. Le bureau d’études de Couach réalise une maquette numé­rique de chaque modèle, en trois dimen­sions, qui permet d’ap­pré­hen­der chaque élément.

Par exemple, la forme précise des réser­voirs de carbu­rant et de leurs fixa­tions et raccor­de­ments, la liste de toutes les pièces utili­sées pour le montage et leur prove­nance. Chaque nouveau bateau de la flotte doit avoir son inven­taire numé­rique détaillé acces­sible par la direc­tion tech­nique à Paris, le Pôle de soutien de la flotte à Saint-Malo et, évidem­ment, la station utili­sa­trice. C’est le prin­cipe de la GMAO (gestion de main­te­nance assis­tée par ordi­na­teur). Si une cana­li­sa­tion de carbu­rant donne des signes de faiblesse, on peut savoir très rapi­de­ment quelles sont les pièces néces­saires, s’il y en a en stock à Saint-Malo et, sinon, où on peut les trou­ver.

Mieux, si plusieurs bateaux de la flotte ont rencon­tré une situa­tion simi­laire, la GMAO offre la possi­bi­lité d’aler­ter les autres, voire de s’in­ter­ro­ger sur une modi­fi­ca­tion pour que le problème ne se repro­duise pas. Plus les bateaux se ressemblent, plus cette logique est effi­cace. Il suffit d’as­sis­ter à une réunion de la commis­sion de la flotte pour comprendre que ce n’est pas facile. Cette commis­sion réunit des prési­dents de station, des patrons titu­laires, notam­ment Yves Prigent, le patron de la station de L’Aber Wrac’h, son président et des inspec­teurs géné­raux. En amont des déci­sions du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion et du président, elle donne notam­ment son avis sur le plan d’in­ves­tis­se­ment des deux années à venir.

Beau­coup de stations estiment que leur cas est parti­cu­lier. Souvent, on leur expliquera que l’un des modèles de la nouvelle flotte répond à leurs besoins. Parfois, le parti­cu­lier est vrai­ment très parti­cu­lier. Cette station du fin fond de la Nouvelle-Calé­do­nie n’aura-t-elle pas moins de diffi­cul­tés d’en­tre­tien avec un bateau néo-zélan­dais déjà très répandu dans sa zone ? Ne faut-il pas tester les mérites de l’aé­ro­glis­seur pour certaines stations aux côtes très plates, qui voient la mer se reti­rer très, très loin à marée basse ? La SNSM restera ouverte à ce genre d’in­no­va­tions, tout en struc­tu­rant l’es­sen­tiel de sa flotte autour de cette gamme simpli­fiée et perfor­mante. La SNSM se veut aussi de plus en plus écores­pon­sable, comme nous tous.

Inno­va­tion et écolo­gie vont ensemble

Vous vous inquié­tez de l’ave­nir de la planète. Les sauve­teurs aussi. Dans la mesure où les autres contraintes qui s’im­posent au sauve­tage le permettent. Diffi­cile de ne pas équi­per les navires de sauve­tage de moteurs puis­sants. Ce n’est pas une raison pour les faire tour­ner en vitesse de pointe quand ce n’est pas néces­saire, ni pour se désin­té­res­ser de leurs émis­sions polluantes. Dès la produc­tion en série, la SNSM a décidé, pour tous les gros moteurs diesel, d’in­té­grer les dispo­si­tifs de limi­ta­tion d’émis­sion d’oxydes d’azote les plus exigeants de l’Orga­ni­sa­tion mari­time inter­na­tio­nale, régle­men­ta­tion appe­lée IMO Tier III. L’es­pace prévu sur le NSH1 devrait aussi donner la possi­bi­lité de tester de nouvelles moto­ri­sa­tions, hybrides notam­ment. Souvent, l’in­no­va­tion va de pair avec l’éco­lo­gie et sert à atteindre plusieurs objec­tifs à la fois. Deux exemples dans la nouvelle flotte.

L’in­sub­mer­si­bi­lité des géné­ra­tions de bateaux précé­dentes était assu­rée par de la mousse doublant les coques… et les rendant diffi­ci­le­ment recy­clables au moment de la décons­truc­tion. Pour cette nouvelle géné­ra­tion, l’in­sub­mer­si­bi­lité est acquise par le système des cloi­sons étanches multiples et portes étanches fermées à la mer. Le doublage de la coque a disparu. Les équipes d’en­tre­tien y gagnent aussi en acces­si­bi­lité autour des moteurs et autres équi­pe­ments dans la cale. Quand on visite la salle des machines du NSH1 à l’ar­rêt au port, on entend un léger bour­don­ne­ment. C’est Harso­nic®, un géné­ra­teur d’ul­tra­sons.

Ces derniers protègent la partie immer­gée de la coque contre les micro-orga­nismes et les salis­sures. Après avoir testé cette solu­tion sur quelques bateaux, la SNSM l’adopte. Béné­fices ? Des coques plus propres en perma­nence, qui consomment moins de carbu­rant et ont moins besoin d’opé­ra­tions de caré­nage et de pein­ture, jamais idéales pour l’en­vi­ron­ne­ment. « Atten­tion, pour être effi­cace, ce système doit être actif sans inter­rup­tion », met en garde Gérard Rivoal. Toutes ces inno­va­tions devraient donc permettre aux sauve­teurs d’ac­com­plir les missions qui leur seront confiées dans les prochaines années avec le maxi­mum de sécu­rité et en prenant en compte les nouvelles pratiques nautiques, tout autant que celles, plus tradi­tion­nelles, des plai­san­ciers et des profes­sion­nels. Il reste au chan­tier Couach à fina­li­ser au plus tôt une concep­tion de longue durée, pertur­bée par la crise sani­taire et une mise au point complexe, sans doute inhé­rente à toute inno­va­tion.

 


Le bon navire au bon endroit

Il n’est évidem­ment pas ques­tion d’ins­tal­ler des navires de sauve­tage hautu­riers de plus de 17 m dans les 214 stations de sauve­tage de la SNSM. Pour des raisons de coût, mais pas seule­ment. Il faut s’adap­ter aux capa­ci­tés humaines des stations, aux possi­bi­li­tés des ports et des abris, et, surtout, aux besoins. Depuis quelques années, la SNSM raisonne par zones, les stations d’une même zone étant complé­men­taires. Voici un exemple concer­nant l’es­tuaire de la Gironde, évoqué au cours d’une réunion de la commis­sion de la flotte.

Sylvain Moynault, l’ins­pec­teur géné­ral pour la zone Atlan­tique Sud, présente la problé­ma­tique : quel modèle de navire prévoir pour rempla­cer, dans les années qui viennent, le grand canot tous temps de la station de Port-Médoc qui a 26 ans, le SNS 085 Made­leine Dassault ? Un NSH1 de 17 m, comme l’ac­tuel canot, ou un NSH2 de 15 m ? L’ins­pec­teur élar­git l’ex­posé à l’or­ga­ni­sa­tion du sauve­tage dans l’es­tuaire de la Gironde. Jusqu’ici, on pensait que la station dispo­sant du plus gros moyen devait être celle de Royan. Dans les faits, on constate que c’est souvent le navire de Port-Médoc, au Verdon-sur-Mer, sur la rive gauche, qui est amené à inter­ve­nir loin et avec des besoins de puis­sance pour remorquer des bateaux de pêche, même quand ces derniers ne sont pas imma­tri­cu­lés à Port-Médoc mais à Royan ou Arca­chon.

Il ne faut pas oublier non plus les petits navires de croi­sière fluvio-mari­times qui remontent jusqu’à Bordeaux. Royan se satis­fait de son bateau récent : une vedette de première caté­go­rie, dite de nouvelle géné­ra­tion, la SNS 162 Sieur de Mons, de 14 m. De plus, les deux stations s’en­tendent bien et colla­borent sans problème. La commis­sion penche donc pour le plus gros moyen, un NSH1 à Port-Médoc. Sans oublier, en remon­tant l’es­tuaire, la petite station de Pauillac, où un rapide NSC2 pour­rait sembler bien adapté et complé­men­taire aux deux autres moyens quand il faudra rempla­cer la petite vedette de deuxième classe SNS 290 Pichon-Baron.

""
Les stations SNSM de l’es­tuaire de la Gironde © SNSM

 Article de la rédac­tion, diffusé dans le maga­zine Sauve­tage n°159 (1er trimestre 2022)