Sept bateaux brûlés dans un incendie au port de plaisance du Havre

Un incen­die a ravagé plusieurs embar­ca­tions au Havre au début du mois d’avril 2023. Sauve­teurs, pompiers et marins présents à ce moment-là ont permis d’en­di­guer les flammes.

Sept bateaux ont été perdus dans le sinistre
Le feu a démarré en bout de ponton, mais s'est rapidement étendu. Sept bateaux ont été perdus dans le sinistre © Noé Denis

Samedi 8 avril 2023, 15 h 03. Port de plai­sance du Havre. Le Mathys 3 – aussi appelé LH Black Legend, comme indiqué sur sa coque – lance ses moteurs à essence. Un feu se déclare dans la cale moteur, de la fumée s’échappe. Un grand clas­sique, hélas. Il est en bout de ponton, mais le vent porte vers les autres bateaux. Un port est comme une forêt : le feu peut sauter d’une embar­ca­tion à l’autre et tout embra­ser. Il faut réagir très vite.

Après avoir tenté l’ex­tinc­tion, sans succès, le skip­per alerte les pompiers. La fumée a aussi été aperçue depuis le bureau du port de plai­sance. Une minute plus tard, confé­rence à trois entre les respon­sables du port, ceux du service dépar­te­men­tal d’in­cen­die de Seine-Mari­time (SDIS 76) et du centre régio­nal opéra­tion­nel de surveillance et de sauve­tage (CROSS) Jobourg.

À quai, on est plus nombreux à terre qu’en mer. Les pompiers sont solli­ci­tés. En dix minutes, les premiers sont là. Leur capi­taine, Vincent Hello, arrive juste après : « Je leur ai dit de s’ins­tal­ler près du local de la SNSM. C’est un lieu fami­lier, on se connaît. »

Carcasses en flammes
Parties à la dérive après avoir brûlé leurs amarres, les carcasses en flammes menacent les autres bateaux © Loïc Lacorne

La vedette est indis­po­nible

Il espère embarquer deux pompiers et leur maté­riel sur la SNS 161 Président Pierre Huby, la vedette de sauve­tage du Havre, basée dans le port de plai­sance, proche de la sortie vers le large. Il n’est pas encore informé de ce que sait Arnaud Gogly, le patron de la station, prévenu par le CROSS, qui fonce aussi vers le port.

Les moteurs sont indisponibles, encrassés par un fond de cuve de diesel. Loïc Lacorne, notre mécanicien, est d’ailleurs à bord pour réparer.
Arnaud Gogly
Patron de la station SNSM du Havre

Le CROSS, au courant de cette indis­po­ni­bi­lité, met en alerte la vedette de Honfleur, de l’autre côté de l’es­tuaire, au cas où il faudrait du renfort.

Heureu­se­ment, le feu reste à une tren­taine de mètres de la SNS 161. Tranquilli­sés pour leur bateau, les Sauve­teurs en Mer vont, comme d’autres, se rendre utiles. Se met en place une « somme de bonnes volon­tés spon­ta­nées  », comme le formule Vincent Hello. Une aide précieuse, car les pompiers ont besoin de temps pour dérou­ler 250 mètres de tuyaux vers l’ex­tré­mité des pontons.

Une moto­pompe de la SNSM sur un bateau de Green­peace

Le patron de la SNSM avise un semi-rigide de Green­peace. « Je lui confie Loïc Lacorne et une moto­pompe pour qu’ils essayent d’ar­ro­ser les bateaux en feu  », précise le marin. Pas pour sauver des personnes – les cinq qui se trou­vaient à bord du Mathys 3 ont évacué –, mais pour limi­ter la chaleur et les flammes. Les navires dont les amarres ont brûlé partent à la dérive et menacent les autres.

Arnaud, comme Julien Lebas, maître de port prin­ci­pal, ont un objec­tif en tête : isoler les bateaux en feu – sept seront perdus – en créant des « mailles vides » pour faire coupe-feu. Plusieurs personnes se mettent donc à larguer des amarres afin d’évi­ter que le feu se propage d’em­bar­ca­tion en embar­ca­tion.

Arrive alors un tout petit pneu­ma­tique à moteur des nageurs sauve­teurs de la SNSM, norma­le­ment destiné à fran­chir les vagues à deux lors de la surveillance des plages. Seul à bord, Léo Monteilh, forma­teur. « J’ai été alerté par la colonne de fumée, indique le sauve­teur. J’ai d’abord essayé d’écar­ter les bateaux en manœu­vrant mon embar­ca­tion d’une main et en tirant les amarres de l’autre. » Diffi­cile. Cela ira fina­le­ment beau­coup mieux en embarquant Arnaud Gogly. Les deux hommes vont se montrer effi­caces, évitant de se mettre trop en danger sur une embar­ca­tion inflam­mable et sans équi­pe­ments de protec­tion ! Sur le Mathys 3, le feu est plutôt concen­tré sur l’avant. Ils repèrent sur l’ar­rière une embase moteur (le raccord moteur hélice) sur laquelle ils peuvent amar­rer un cordage pour remorquer le bateau en flammes.

Il faudrait main­te­nant pous­ser les bateaux en feu sur l’en­ro­che­ment pour qu’ils ne dérivent plus. Pas ques­tion de le faire à bord de semi-rigides inflam­mables.

Inflatable rescue boat
Seule embar­ca­tion des sauve­teurs opéra­tion­nelle rapi­de­ment, le minus­cule IRB (infla­table rescue boat) des nageurs sauve­teurs ! © Loïc Lacorne

Heureu­se­ment, l’équipe du port de plai­sance prend le relais avec une embar­ca­tion en alumi­nium qui craint moins la chaleur. Dernier élément de la chaîne de bonnes volon­tés – mais pas le moindre –, une vedette du grand port de commerce en mission dans l’en­trée du port s’est aussi préci­pi­tée pour aider.

Le feu maîtrisé en une heure

À 16 h 12, à peine plus d’une heure après l’alerte, le port du Havre estime le feu maîtrisé. On peut rassem­bler au local de la SNSM ceux qui ont inhalé des fumées et leur donner un peu d’oxy­gène. Le tréso­rier de la station est allé cher­cher de l’eau et des petits gâteaux pour un peu de récon­fort.

Tout est bien qui finit bien, sauf pour les bateaux perdus. Mais tous les parti­ci­pants sont conscients des limites de cette addi­tion de bonnes volon­tés et de chance, faci­li­tée par le fait que tous se connaissent bien. Quand il n’est pas patron béné­vole chez les Sauve­teurs en Mer, Arnaud est comman­dant adjoint du grand port. «  Il faudrait imagi­ner les scéna­rios possibles ensemble  », suggère ce dernier. Et réflé­chir à une meilleure orga­ni­sa­tion ou aux moyens à utili­ser pour combattre le feu en sécu­rité. On anti­cipe pour la prochaine fois, même si on espère qu’elle n’aura jamais lieu.

Vous êtes sur votre bateau dans un port où une autre embarcation prend feu ?

Prenez la situa­tion très au sérieux. Aler­tez immé­dia­te­ment les pompiers par VHF et/ou télé­phone (le 18 ou le 112), le port (canal 9 sur la VHF) et le CROSS (canal 16 ou au 196).

Évaluez la direc­tion du vent, donc le sens de la progres­sion du feu et des fumées. Pensez à vous et votre équi­page. Pouvez-vous sortir avec votre bateau sans gêner les secours ? Comment évacuer si néces­saire ? Les pontons sont-ils prati­cables ? Faut-il partir par l’eau en annexe ?

Si vous êtes en sécu­rité et pouvez aider, cher­chez à éviter la propa­ga­tion de l’in­cen­die en larguant les amarres de bateaux sous le vent du feu sans vous appro­cher des flammes, sans vous faire piéger et en faisant atten­tion aux fumées.

Nos sauve­­­­teurs sont entraî­­­­nés et équi­­­­pés pour effec­­­­tuer ce type de sauve­­­­tage grâce à votre soutien, vous nous aidez à être présents la prochaine fois.

Article rédigé par Jean-Claude Hazera, diffusé dans le maga­­­­­­­­­­­­­­zine Sauve­­­­­­­­­­­­­­tage n°164 (2ème trimestre 2023)