D’un instant à l’autre, dès que l’organisation de course les informe qu’un concurrent est en danger, les autres skippers se transforment en sauveteurs. « C’est immédiat. On passe tout de suite sur le mode « sauver l’autre ». Pas besoin d’en parler entre nous avant la course. On sait ce qu’on a à faire. C’est une évidence. » Jean Le Cam est le dernier d’une longue liste de « coureurs sauveteurs » qui font la légende du Vendée Globe autant que ceux qui l’ont gagné. Il a d’ailleurs été lui-même sauvé par Vincent Riou, après son chavirage en janvier 2009 ; cette fois-ci, avec Yannick Bestaven, Boris Herrmann et Sébastien Simon, c’est lui qui a été dérouté pour rechercher Kevin Escoffier.
La différence avec les sauveteurs, dont il apprécie la présence rassurante et amicale, c’est qu’il est seul à bord. « On est au four et au moulin. Heureusement, on connaît bien nos bateaux. »
Être bien équipé pour faciliter le sauvetage
Les équipements qui ont permis de retrouver Kevin Escoffier et de le sauver sont en grande partie les mêmes que ceux que doivent embarquer les plaisanciers. Au-delà de 60 milles d’un abri, avoir une balise EPIRB est obligatoire ; elle permet aux satellites de positionner avec précision l’appel de détresse. Les coordonnées transmises par le CROSS Gris-Nez via l’organisation de course ont amené Le Cam droit sur Escoffier, qui était réfugié dans son radeau, après avoir vu son bateau se plier sous lui. En approche finale, Jean Le Cam a été beaucoup aidé par son AIS1, qui captait directement un signal de balise. La position du marin en détresse s’inscrivait automatiquement sur l’écran dont se servent les coureurs usuellement.
En revanche, quand Le Cam est passé près du naufragé avec « une mer pas facile », il a manqué aux deux hommes la possibilité de communiquer par radio VHF (au-delà de 60 milles d’un abri, les plaisanciers sont tenus de disposer d’une VHF portable en plus de la fixe). Escoffier n’avait pas eu le temps d’en attraper une. « On a cru se comprendre à demi-mot, mais on n’entendait rien », relate Le Cam. Une VHF portable dans le radeau de survie aurait aidé.
Jean Le Cam avait besoin de réduire encore la voilure de Yes We Cam ! avant de tenter d’embarquer Kevin. Une fois la manœuvre terminée, il avait perdu le naufragé ! Plus de signal de la balise. Éteinte ? Trop loin ? Trop de vagues ? La nuit tombait. Très inquiet de ne plus le voir sur son écran, Le Cam a hésité mais a continué ses recherches de nuit, malgré la crainte classique du sur-accident. « Il y avait deux autres bateaux sur zone, plus, peut-être, l’épave du PRB de Kevin », précise-t-il.
Un flash lumineux dans la nuit sombre
Et, d’un coup, il a vu ce qu’il manque trop souvent aux sauveteurs quand la nuit tombe : une simple lumière. « J’ai d’abord cru que c’était un flash, mais c’étaient juste les vagues qui me la cachaient par moments. » C’était la lumière du radeau de Kevin. Le Cam est passé assez près pour pouvoir lui envoyer un rescue tube, équipement recommandé à tous les plaisanciers. « Heureusement, il l’a attrapé du premier coup. » Cette phase est très difficile pour une personne à la mer peu entraînée. Kevin a réussi à s’accrocher à une barre de transmission à l’arrière et à remonter en s’aidant de quelques marches sur la coque.
Grâce aux transmissions par satellite, les téléspectateurs du monde entier ont pu voir Escoffier enfin à bord du bateau de Le Cam. Au cours de l’un des échanges radio qui ont suivi, Escoffier s’excusait de ce « désagrément » auprès des autres concurrents. « Le sauveteur est plus inquiet que le sauvé. C’était la même chose pour moi », conclut Le Cam.
1 – Le système automatique d’identification permet de transmettre aux navires (équipés d’un récepteur) les informations relatives aux navires émetteurs dans un certain rayon (position, cap, vitesse, route, collision, etc.).
Article rédigé par Jean-Claude Hazera.