Une langue de sable blond longue de 4 kilomètres, léchée par des eaux turquoise. La plage de Cap Lauroso, en Corse-du-Sud, a des airs de paradis la plupart du temps. Lundi 22 juillet, un père et son fils de 12 ans y ont pourtant vécu un enfer.
Un vent violent frappe la côte ouest de l’île. Des vagues déferlantes se forment à plus de 600 mètres de la côte et viennent se fracasser sur la grève. La baignade est périlleuse, mais, malgré cela, de nombreuses personnes jouent dans les rouleaux. Un peu avant 18 heures, le centre de sauvetage de Propriano, situé à quelques centaines de mètres, reçoit un appel d’urgence des pompiers. Des témoins ont appelé le 18 pour signaler deux nageurs en difficulté.
À la haute saison, les Sauveteurs en Mer effectuent normalement des patrouilles en bateau le long de cette zone très fréquentée afin de pouvoir intervenir le plus rapidement possible. Mais, ce jour-là, la mer est tellement démontée qu’ils ont décidé de se déplacer en voiture, sur la terre ferme. « Les noyades ont généralement lieu à moins de 150 mètres de la plage, explique Antoine-Jean Giannetti, chef du dispositif de surveillance. Si notre bateau doit naviguer à plus de 600 mètres du bord pour éviter les rouleaux, les sauveteurs devront parcourir 500 mètres à la nage pour intervenir. C’est bien plus simple depuis la côte. »
Trois nageurs sauveteurs se trouvent non loin du lieu où a été donnée l’alerte, dans un véhicule d’intervention. Ils se rendent rapidement sur place, mais ne voient personne à l’eau. « Heureusement, on nous communique une position plus précise et on finit par apercevoir deux points noirs au milieu des vagues, se souvient Vincent Grangé, l’un d’entre eux. Nous avons couru plusieurs centaines de mètres dans le sable pour arriver en face d’eux. »
Les vagues empêchent les sauveteurs de se mettre à l’eau
Les vagues sont si puissantes que les Sauveteurs en Mer doivent attendre le bon moment pour se mettre à l’eau sans être repoussés sur le sable. « Une mer dantesque, dépeint Antoine-Jean Giannetti. J’ai laissé le choix aux sauveteurs d’y aller ou non car il y avait un vrai risque. Ils ont décidé de se mettre à l’eau, en me disant : « Si on n’arrive pas à revenir, vous viendrez nous chercher au large, au-delà des vagues. » »
La mer est traîtresse, dans cette zone, en cas de gros temps. Les vagues poussent le nageur vers le bord, mais le courant l’entraîne vers le large. « On peut rester facilement bloqué », alerte Vincent Grangé, qui connaît bien le secteur, où il est affecté pour la quatrième année. Il parvient à se mettre à l’eau, puis nage de toutes ses forces vers les deux personnes en difficulté. « J’ai immédiatement équipé le garçon de ma bouée tube, il m’a tout de suite remercié d’être venu à son secours », se souvient le sauveteur de 39 ans.
Vincent Grangé est rapidement rejoint par un autre nageur sauveteur, Emma Wagschal, qui prend le père en charge. Une fois les victimes sécurisées, il tente de nager vers la plage. « Je m’aperçois que je ne progresse absolument pas, se remémore le sauveteur. Avec des signes, je fais comprendre à mes coéquipiers qui sont restés sur la plage que nous allons nager vers le large. »
« Sur la plage, c’était l’effroi »
Pendant ce temps, Antoine-Jean Giannetti observe le petit groupe depuis le bord. Leurs têtes disparaissent régulièrement, masquées par les déferlantes. « Sur la plage, c’était l’effroi, se rappelle-t-il. Les gens s’étaient agglutinés pour voir ce qu’il se passait. » Le chef du dispositif de surveillance a anticipé. Il a déjà prévenu le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) et demandé l’intervention d’un hélicoptère. Un appareil est en route.
Dans l’eau, les sauveteurs ont demandé au père et son fils « de se laisser faire ». Ils les prennent en remorque et commencent à « palmer très fort ». « On a dû pousser très, très loin pour sortir des rouleaux, souligne Vincent Grangé. Chaque vague nous ramenait vers le bord. On a dû nager une bonne vingtaine de minutes. »
Une fois hors des vagues, les quatre nageurs attendent l’arrivée de l’hélicoptère. Quelques minutes qui leur semblent une éternité. « Ce n’est pas une situation agréable, concède le sauveteur. En plus le garçon commençait à avoir froid. » L’appareil de la gendarmerie nationale arrive enfin. Deux plongeurs se jettent à l’eau, les nageurs sauveteurs s’écartent. Les victimes sont accrochées au harnais, puis déposées l’une après l’autre sur la plage, où des secouristes les prennent en charge. Vient enfin le tour des sauveteurs. « L’hélicoptère est descendu très bas pour nous récupérer, à 2 mètres de l’eau à peine, décrit le bénévole. C’était très impressionnant. »
Quelques minutes plus tard, tout le monde est en sécurité et en bonne santé sur la plage. Père et fils remercient chaleureusement les sauveteurs. « J’ai déjà effectué de nombreuses interventions, mais celle-ci était vraiment spéciale, souligne Vincent Grangé. Dans ces moments-là, nos efforts sont récompensés. On sait pourquoi on s’entraîne toute l’année. » L’entraînement et l’expérience des Sauveteurs en Mer ont payé. De plus, « Le dispositif de surveillance nous a permis d’intervenir très rapidement, se félicite Antoine-Jean Giannetti. Sans cela, il aurait pu y avoir des victimes. »
Nos sauveteurs sont formés et entraînés pour effectuer ce type de sauvetage. Grâce à votre soutien, vous les aidez à être présents la prochaine fois !