Julien Bonnier, 43 ans, vit sur son petit voilier, le Sao Bento – un Compromis de 9,90 mètres de long et 1,50 mètre de tirant d’eau –, qui mouille dans le port du Cap d’Agde, dans l’Hérault.
Ce vendredi matin ensoleillé du 17 novembre 2023, après avoir jeté un œil sur la météo marine qui prévoit un coup de vent en début d’après-midi, il décide de partir naviguer. Il fait route sous une agréable et légère brise. Afin d’éviter le grain annoncé pour 14 heures, il anticipe de rentrer dès la fin de matinée.
Peu après 11 heures, alors qu’il se trouve à 1,2 mille nautique (un peu plus de 2 kilomètres) du Cap d’Agde, il perd subitement son safran. Cette partie verticale du gouvernail dévie les flux d’eau sous la coque pour changer de direction. Tout à coup, la barre du Sao Bento devient molle et Julien ne parvient plus à tenir le bateau, qui commence à gîter alors que le vent venant de la terre se lève, l’éloignant inexorablement de la côte. Il lutte pour rentrer les voiles et tente de ralentir l’embarcation, en vain.
Toujours proche du littoral, il décide de contacter le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) directement depuis son smartphone, en composant le 196. En réponse à son alerte, le CROSS lance immédiatement un « Pan Pan », un appel VHF à tous les autres navires se trouvant dans la zone afin de se dérouter pour lui porter assistance. Aucune embarcation ne répond. Le CROSS engage alors le canot de la station SNSM de Sète, celui de la station du Cap d’Agde étant indisponible pour cause de maintenance.
En pleine bourlingue
En pleine bourlingue, Julien commence à s’inquiéter en voyant un vent devenu frais forcir rapidement. L’anémomètre du bord indique désormais 22 nœuds (environ 40 km/h) et le bateau s’éloigne de la côte dans une houle bien formée, avec des creux de 2 à 3 mètres associés à des lames éparses.
L’inquiétude du skipper laisse peu à peu place à l’angoisse. « La mer était formée et je n’arrivais à rien pour diriger mon bateau, qui se comportait comme une coquille de noix. Cela commençait à taper fort de tous côtés et à gîter », raconte Julien, encore sous le coup de l’émotion plusieurs jours après l’événement. Le canot tous temps nouvelle génération SNS 003 Amiral Leenhardt de la station de Sète file désormais à pleins gaz, à 25 nœuds, pour secourir le Sao Bento et son occupant. Après avoir parcouru 12 milles nautiques – soit un peu plus de 22 kilomètres –, les sauveteurs atteignent le point GPS donné par le voilier au CROSS plus d’une heure auparavant. Et ils ne voient aucun bateau.
L’équipage du SNS 003 contacte Julien pour lui demander sa nouvelle position. Mais ce dernier n’arrive pas à la déterminer et sa voix laisse transparaître sa panique. En tenant compte de la force du vent, des courants et du temps écoulé, les bénévoles estiment qu’il a dû dériver de plusieurs nautiques vers le large. Ils partent à sa recherche.
Toutes les sept à dix minutes, un sauveteur appelle Julien pour prendre de ses nouvelles. Il lui rappelle les consignes de sécurité, veille à ce qu’il ait enfilé ses vêtements de survie. Jusqu’à ce que, après avoir parcouru entre 3 et 4 nautiques (entre 5,5 et 7,5 kilomètres), les bénévoles aperçoivent le Sao Bento. Mais Julien n’est pas encore tiré d’affaire.