L’essence reste le grand ennemi des départs de feu sur un bateau
Le problème du carburant essence des moteurs hors-bord, mais aussi de certains inboard de vedettes, est simple : il suffit d’une petite quantité qui se vaporise dans un espace clos ou peu aéré pour créer un mélange détonant à la moindre étincelle. Parmi les précieux rapports du Bureau d’enquêtes sur les événements en mer (BEAmer), on trouve celui sur l’explosion et l’incendie du Foly, le 28 août 2021, devant le poste d’avitaillement en essence du port Saint-Pierre de Hyères (Var). Un couple, leur fille de 14 ans et leur chien sont à bord. Fin de matinée, il fait chaud. Le Foly est une petite vedette de 8,30 mètres avec deux gros moteurs inboard, raisonnablement entretenue mais pas toute jeune : elle a 18 ans. Sur un bateau de cet âge, sortant peu, souvent stocké à terre sous le soleil, « les risques de détérioration des durites, tuyaux souples, joints divers du circuit d’essence sont réels », notent les experts du BEAmer. Réels et pas faciles à repérer.
Ce jour-là, il y avait une petite odeur d’essence après l’avitaillement. Sans doute liée aux autres bateaux qui attendaient la place, ont dû se dire les propriétaires. Grâce aux caméras de surveillance, le minutage de l’accident est ultraprécis. 11 h 33 et 9 secondes : le propriétaire redémarre le moteur bâbord, qui a calé. Explosion dans le compartiment moteur. 11 h 44 et 48 secondes : des flammes, impossibles à maîtriser, s’échappent du bateau. La vedette des pompiers arrivera à le remorquer à l’extérieur du port, où ce qu’il en reste coulera. Entre-temps, l’adolescente a sauté sur le quai, l’épouse, brûlée aux jambes, s’est jetée à l’eau et le propriétaire a lancé son chien dans la mer avant d’y plonger lui-même.
Les accidents dus à l’essence se répètent été après été. Le BEAmer renvoie à trois autres rapports du même type.
Nos conseils pour éviter les départs de feu liés à l’essence
Évitez l’essence, si vous le pouvez. La motorisation diesel ne présente pas le même risque.
Connaissez et surveillez votre circuit d’essence et son éventuelle proximité avec un circuit ou appareil électrique. Concernant par exemple les grands semi-rigides, la qualité de l’embarcation et sa sécurité ne dépendent pas seulement du choix de la coque et du moteur, mais aussi de la précision du montage de tous les circuits enfermés sous les planchers. Le BEAmer décrit un autre accident, qui se termine bien, en juin 2018, sur un grand semi-rigide de 10 mètres bien entretenu, emmenant des passagers dans le port de Porto, en Corse. L’explosion a été provoquée par une étincelle du propulseur d’étrave électrique dans un compartiment où passait une durite d’essence très légèrement fissurée.
Au moindre doute, à la moindre odeur suspecte, voire systématiquement, aérez. Pas seulement en appuyant sur le bouton de l’aérateur électrique. Ouvrez les panneaux !
Les feux provoqués par des batteries lithium-ion, de plus en plus courants, sont très difficiles à maîtriser
© D. R.
Un nouveau risque : les batteries lithium-ion
Les batteries lithium-ion – par ailleurs très utiles et performantes – présentent un vrai risque d’incendies et d’explosions accompagnés d’émissions de gaz toxiques et particulièrement difficiles à éteindre. Le transport maritime des voitures électriques devient un problème. L’incendie du roulier Felicity Ace, entre l’Europe et les États-Unis, en mars 2022, a d’autant plus marqué les esprits que le bateau a coulé avec sa cargaison de quelque quatre mille voitures de luxe ! La source du feu n’est pas confirmée officiellement. En revanche, il est communément admis que la présence à bord d’un certain nombre de véhicules électriques et de leurs batteries a entretenu le feu et empêché de le contenir. Les assureurs sont en alerte.
La filiale maritime d’Allianz a consacré un rapport entier au sujet. Se félicitant que les pertes de navires aient diminué de moitié en dix ans. Elle s’alarme, à l’inverse, de voir le nombre d’incendies (toutes causes confondues) considérablement augmenter. En tête des causes possibles des feux très difficiles à maîtriser, elle pointe les batteries lithium-ion, qui peuvent déclencher l’incendie par emballement thermique, surchauffe, explosion, ou court-circuit.
La perte de l’IMOCA de Fabrice Amedeo sonne donc l’alerte pour les navires utilisant ou tentés d’utiliser ces batteries, notamment pour gagner en poids par rapport aux batteries plomb. Le comité technique de la classe IMOCA va proposer différentes solutions aux coureurs, qui doivent voter au sujet de nouvelles règles de sécurité. Thomas Jullien, ingénieur à la classe IMOCA, nous explique que l’idée serait de ne pas interdire complètement les batteries lithium. La classe voudrait, en effet, proscrire les moteurs thermiques, et donc stocker l’électricité produite par des moyens plus écologiques : panneaux solaires, hydroliennes, etc. Première piste : exiger l’étanchéité totale à l’eau des batteries elles-mêmes ou des caissons. Deuxième piste : imposer des batteries « moins denses énergétiquement » mais plus stables, du type lithium fer phosphate (LiFePO4). Affaire à suivre.
Nos conseils pour éviter les feux liés aux batteries à bord des bateaux
Beaucoup de bateaux de plaisance ou de pêche sont équipés en batteries classiques. Réfléchissez bien avant de changer. Méfiez-vous aussi de tout ce que l’on embarque comme batteries lithium-ion dans les smartphones, les tablettes, les appareils photo, etc. Attention à l’exposition au soleil, aux surcharges ou charges trop rapides, et donc aux chargeurs qui ne sont peut-être pas d’origine. Si l’un de ces engins prend feu, il sera difficile à éteindre. N’hésitez pas à le jeter à l’eau… en évitant de vous brûler.