Vent d’ouest force 2, mer belle, houle de 30 à 50 centimètres… Toutes les conditions sont réunies en ce 31 mars 2021 pour une navigation paisible. Le voilier Arauya sort tout juste du chenal du port des Minimes de La Rochelle. Le propriétaire de ce Puma 24 – un robuste croiseur côtier de 7,5 m de long – connaît bien les lieux et se laisse distraire. Tout d’un coup, il voit la mer « friser » devant lui. Il est « sur les cailloux » du plateau du Lavardin, vire de bord… Trop tard ! Déjà, le voilier de 1,6 tonne talonne. La mer baisse encore pendant une heure ! Et, pour ne rien arranger, c’est une grande marée…
Deux naufragés indemnes, sauvés par le bateau-école du lycée maritime et aquacole de La Rochelle
Le bateau résiste, mais le skipper a le bon réflexe de lancer tout de suite un Mayday à la VHF. Il est 12 h 19. Le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) Étel relaye le message et engage la SNS 144 IMA Antioche dès 12 h 27. L’appel est également reçu par le bateau-école Poitou-Charentes II, du lycée maritime et aquacole de La Rochelle, qui est tout près et se rend sur les lieux. Les événements se précipitent. À 12 h 30, l’Arauya signale une importante voie d’eau. Le Poitou-Charentes II récupère les deux naufragés et les débarque au port de pêche de Chef de Baie. Sur place, les pompiers procèdent au bilan habituel et laissent partir les deux plaisanciers – indemnes – à 12 h 50, à deux pas de la station SNSM, que préside Jean-Michel Toupin.
Ce jour-là, le président – qui est également patron suppléant – est à la barre de la SNS 144. Une brève discussion avec les rescapés lui permet d’évaluer plus précisément la situation lorsqu’il appareille, à 12 h 56, pour récupérer le voilier ; celui-ci présente un danger pour la navigation.
L’épave du bateau risque de couler et d’obstruer les accès portuaires
« Une fois arrivés sur zone, nous avons vu le bateau quille arrachée. La messe était dite », raconte Jean-Michel Toupin. L’épave flottait entre deux eaux. « Nous nous sommes demandé ce qu’on allait pouvoir en faire », poursuit le président. À La Rochelle, il y a des moyens de levage capables de sortir de l’eau un bateau de cette taille : à La Pallice, au grand port maritime, et au port des Minimes. « Le problème, c’est que, pour aller au grand port maritime, il faut passer par un sas, tandis que le port des Minimes est accessible par un long chenal, explique Jean-Michel Toupin. Dans un cas comme dans l’autre, le risque est que le bateau coule pendant le trajet et constitue une obstruction à la navigation encore plus dangereuse que l’épave à sa position initiale. »
Restait une troisième solution : demander au port de pêche de Chef de Baie l’autorisation d’utiliser sa cale pour y déposer le bateau et le tirer au sec. Autorisation accordée, mais, avant d’en arriver là, il faut passer une remorque sur le voilier. La vedette approche suffisamment près pour l’amarrer. De son côté, le semi-rigide SNS 741, qui avait rejoint l’IMA Antioche en renfort, a pu crocher un bout sur l’arrière de l’épave pour rendre le convoi plus manœuvrant. Une demi-heure plus tard, à 13 h 44, le convoi était à quai à Chef de Baie. Mais les sauveteurs n’étaient pas au bout de leurs peines. Il leur a fallu encore une bonne heure d’efforts, non sans faire appel aux lamaneurs – personnes chargées des opérations d’amarrage ou d’appareillage des navires – et à leur camion équipé d’un petit cabestan, pour tenter de hisser le voilier sur la cale. Mais c’est finalement un chalutier qui, avec son puissant treuil de pêche, a permis de réaliser l’opération.
Article rédigé par Dominique Malécot diffusé dans le magazine Sauvetage n°156 (2ème trimestre 2021)
L’analyse de Jean-Michel Toupin, président de la station SNSM de La Rochelle« Nous ne sommes pas équipés pour travailler à terre, rappelle Jean-Michel Toupin. Le risque était que le bateau finisse par couler le long de la cale. Cela aurait été une catastrophe car le directeur du port nous avait fait confiance pour que cet équipement, utilisé douze heures par jour, reste accessible. » Préparer des plans. « En fait, tout le monde aurait pu refuser l’épave, analyse le président Toupin. Et là, que faire à part la mettre sur une plage ? C’est un problème auquel toutes les stations doivent réfléchir. Je pense qu’elles l’ont déjà fait en fonction de la topographie des lieux. Il faut aussi élaborer des plans A, B ou C, permettant, dans des conditions différentes, de mettre une épave à l’abri et d’éviter qu’elle ne dérive. » L’important. « Savoir où aller, avoir les autorisations nécessaires et être capables d’évaluer et de gérer le risque car les autorités demandent toujours un pourcentage de réussite de la manœuvre proposée. Enfin, il faut réfléchir aux moyens de mettre au sec un navire sur lequel les moyens de manutention habituels sont inopérants », conclut le président de la station de La Rochelle. |